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21 mai 2010

Ce qui cogne

Récit d’une dure soirée

AlterHéros

Je marche calmement vers l’entrée du collège. Je dois être en 6ème peut-être en 5ème. Bertrand et Romain me dépassent et imitent un phoque. Je n’ai pas compris tout de suite. Ou peut-être était-ce tellement violent que cela m’a d’abord amusé. Circonspect, j’ai continué à avancer et eux ont souri d’un sourire qui mord et humilie, d’un sourire qui hurle. Je ne me souviens de rien d’autre que ces quelques secondes d’une rencontre qui a marqué ma vie.
Un peu plus tard ou plus tôt, il s’agit de quelques jours ou de quelques mois. J’ai été invité à la boum de… je ne sais plus qui. Une fille c’est sûr, parce qu’à l’époque je n’étais entouré que de filles (là plus tard, il faudra ouvrir un tiroir) mais laquelle ? Il y a de l’orangina et des doigts qui se frôlent, France Gall, du pop corn, Wham et mon cul assis sur une chaise et mon regard qui croise celui de Bertrand. Je le vois agiter ses mains et utiliser le langage dit du parachutiste pour lancer un message à Romain. Il a le même sourire-crocodile. Je tourne la tête parce que ça ne m’intéresse pas, que je ne veux pas faire partie de leur monde. Ma tête se tourne subrepticement et j’observe en cachette ce pantomime. Je déchiffre les lettres une à une. Découvrir leur secret m’excite.
Main droite perpendiculaire à main gauche: T
L’index posé sur le pouce: A
La main droite en demi-cercle qui vient se poser sur main gauche droite et verticale: P
Croisement de doigt tout simple: E
Et encore un: T
Et encore un: T
Et un croisement.
Bertrand me regarde et sourit.
J’écris, les yeux humides, 20 ans après. Je crois aujourd’hui que ces insultes m’ont construit : je me suis vu dans un miroir qui s’est cassé au moment même où ces mots et ces gestes sont nés.

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