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15 mai 2025

Une relation abusive peut-elle avoir modifié mon orientation sexuelle?

J’ai eu une relation amoureuse avec un garçon lorsque j’avais 17-18 ans (lui avait 22-23 ans) Nous avons été ensemble pendant près d’un an et démi. À ce jour, ça demeure la seule personne avec qui j’ai eu des relations sexuelles. Peu de temps après notre rupture, j’ai réalisé qu’il avait souvent réfusé de respecter mes limites et qu’il m’avait agresé.e sexuellement à plusieurs reprises. Dans les dernières années, j’ai aussi compris que c’est une personne avec qui j’avais en fait très peu discuté de mes valeurs et de mes positions politiques. Autrement dit, nous avions pratiquement rien en commun. Puis je ressens encore beaucoup de honte par rapport à cela, dans le sens que je me questionne à savoir pour quelles raisons j’ai accepté que notre relation (qui en fait se limitait quasi exclusivement à des rapports sexuels) perdure aussi longtemps. En plus, c’est très rapidement que j’ai senti un instinct, une sorte de petite voix qui me disait de partir : il m’a agressé.e lors de notre première relation sexuelle et il ne respectait pas des valeurs qui étaient déjà importantes pour moi à cette époque. Par exemple, en voyant un livre qui abordait le féminisme sur ma table de chevet, il m’avait dit que le patriarcat n’existait pas et que les mouvements de justice sociale exagèraient. Suite à ça, j’ai commencé à cacher certains de mes livres et à éviter d’avoir des accessoires ou autres qui affichaient des revendications sociales/politiques. Puis je me sens parfois encore « sal.e » lorsque je réfléchis au fait que ça demeure à ce jour la seule personne qui m’a touché.e, pénétré.e. J’avais déjà à l’époque des questionnement par rapport à mon orientation sexuelle et à mon rapport au genre (évidemment, je n’ai jamais abordé cela avec lui) et on dirait que je suis de plus en plus convaincu.e que je n’aurai pas de relations sexuelles avec des hommes cis hétérosexuels à l’avenir. J’ai peur d’eux. Puis je pense aussi que mon attirance pour lui (et les hommes en général?) avait surtout un caractère « esthétique », pas vraiment sexuel ou relationnel. J’ai eu une courte relation avec une femme après et je me sentais tellement bien, tellement moi-même. Il demeure que la honte que j’associe à ma relation avec cet homme reviens souvent me hanter et je ne sais pas quoi faire pour qu’elle disparaisse.
Mélo

Salut Vivianne,

D’abord, merci de nous faire confiance avec ton témoignage. Je sens que la situation te procure encore de nombreuses émotions et j’espère que je saurai t’aider un peu là-dedans. Ce que tu décris est un réel témoignage de comment les violences, le sexisme et les normes hétérocisnormatives peuvent s’infiltrer jusque dans nos choix intimes, surtout à un âge où on est encore en train de les découvrir.

Tu n’as pas à avoir honte d’être resté·e dans cette relation, même si, avec du recul, les signaux d’alarme semblaient clairs. La honte ne t’appartient pas. Elle appartient à celui qui a refusé d’écouter ton consentement, à celui qui t’a invisibilisé·e, réduit·e et nié·e. Et elle appartient aussi à un système qui t’a fait croire que c’était ça, l’amour, le sexe ou la norme.

Rester dans une relation abusive ne fait pas de toi une personne naïve ou faible. C’est la force de survie, du système de protection psychologique qui te permettait, à l’époque, de rester debout. Le fait que tu aies eu cette « petite voix » montre que tu avais déjà en toi des signaux très sains. Tu ne les as pas ignorés. Tu les as entendus, mais tu as dû composer avec ce que tu pouvais, dans ce contexte. Aussi, lorsque l’on est en relation, on a tendance à minimiser les signaux d’alarme afin de ne voir que le positif.

Malgré les différences d’opinions, tu étais attaché·e à cette personne. Peut-être t’apportait-il de réconfort, de la validation ou tout autre sentiment dont tu avais besoin à ce moment? Il est donc possible que pour accéder à ce confort, tu acceptais certains comportements ou tu cachais des éléments pour ne pas le vexer. Par contre, en faisant cela, tu ne t’écoutais pas. Tu étais pris·e dans le cercle vicieux des relations toxiques.

Et non, tu n’es pas « sal·e ». Tu es une personne qui a vécu une agression, une trahison de ton intimité, une négation de tes limites. Ce n’est pas toi qui dois porter le poids de la saleté, c’est l’agresseur et le système patriarcal qui l’a soutenu, minimisé, normalisé. La honte ne disparaît pas par la force. Elle se désamorce doucement, en étant reconnue, nommée, remise à sa juste place et surtout en s’entourant de personnes, d’espaces et de relations qui te permettent d’être profondément toi.

Tu as aujourd’hui des mots, des repères, une conscience politique et des expériences queer qui t’ouvrent des horizons beaucoup plus justes, doux et alignés à ce que tu es. Le fait que tu ressentes du bien-être et de l’authenticité dans ta relation avec une femme, ou en te tenant loin des hommes cis hétéros, ce n’est pas une « réaction », mais peut-être plutôt une reconnexion à toi-même.

Si tu veux te renseigner davantage sur le sujet, je te recommande cette lecture « Le corps n’oublie rien – Bessel Van Der Kolk » qui parle des traumatismes et de ce que cela peut causer au corps et à l’esprit.
Je te conseille également de t’immerger dans des espaces queer sécurisants où tu peux être toi-même, en dehors du regard masculin ou hétérocisnormatif.

Au besoin, voici d’autres ressources qui pourraient t’aider :

CAVAC de Montréal : Accompagnement gratuit pour victimes de crime (incluant les violences sexuelles)

CALACS : Centre d’aide pour victimes d’agressions sexuelles
Interligne : Service d’écoute 2SLGBTQIA+ (24/7)

Bref, rappelle-toi que tu n’as pas à avoir honte de ce que tu as vécu, ni de la personne que tu étais dans cette relation. Ce n’est pas toi le problème. Tu as le droit de te reconstruire à ton rythme et selon tes termes.

J’espère sincèrement avoir pu apaiser tes inquiétudes,

Mélo, intervenante sociale pour AlterHéros

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