Salut salut! 🙂
Ça fait plaisir que tu écrives à AlterHéros pour nous poser tes questions! En résumé, tu as récemment réalisé que tu es bisexuelle et ça a suscité plusieurs questionnements, notamment par rapport à ce qui a pu t’amener à être attirée par les filles en plus des garçons, mais surtout en lien avec un éventuel coming out. Tu as numéroté tes questions, mais je vais répondre un peu plus par sujet, si tu me permets.
Le développement des attirances
Tout d’abord, tu te demandes comment il se fait que tu as récemment développé une attirance pour les filles, alors que tu n’étais attirée que par les garçons il n’y a encore que quelques mois. Pour mieux comprendre, il faut d’abord savoir que la sexualité, c’est quelque chose qui est fluide, donc qui peut se modifier avec le temps. Nos attirances et nos désirs peuvent varier dans le temps, alors il est possible d’être exclusivement attiré.e par les garçons, puis de développer une attirance pour les filles par après. Il est aussi possible d’avoir davantage d’attirance pour les garçons pendant un moment, puis d’être plus attiré.e par les filles pendant une autre période de sa vie, ensuite d’être attiré.e également par les deux, que nos attirances redeviennent majoritairement dirigées vers les filles, et ainsi de suite.
Par ailleurs, si je me fie à la catégorie d’âge qui tu as cochée dans ta fiche, tu es toute jeune encore! Tu as probablement entamé ta puberté et ton adolescence, ce qui veut dire que tu es dans la période de ta vie où tu commences davantage à t’intéresser aux relations amoureuses et à la sexualité. C’est aussi la période de ta vie où tu commences davantage à prendre conscience de tes attirances, où elles se développent, alors c’est tout à fait normal que tu te découvres sur ce plan!
Finalement, il peut également y avoir une composante sociale dans le fait que tu aies récemment découvert ton attirance pour les filles, alors que tu avais déjà conscience des ton attirance pour les garçons. Je ne sais pas si tu es familière avec le concept d’hétéronormativité? Ce que ça veut dire, c’est que l’on prend pour acquis que la norme, c’est l’hétérosexualité. Du coup, puisque l’on vit et grandit dans une société hétéronormative, on a tendance à se considérer comme hétéro par défaut. La plupart des enfants grandissent en se faisant poser des questions très genrées. Par exemple, quand une petite fille a un ami garçon, on lui demande si c’est son amoureux et inversement, un petit garçon, lui demande si c’est son amoureuse. Pourtant, si l’enfant a des ami.es du même genre que lui/elle, ce type de question ne sera pas posée. Ce genre de comportement est l’un des nombreux exemples de l’hétéronormativité. Mais bref, le fait de baigner dans un environnement qui nous laisse croire que nous « naissons » hétéro, mais que nous « devenons » gai.e, bi, etc. peut influencer notre parcours et notre connaissance de nous-même sur le plan des attirances amoureuses et sexuelles.
Le coming out
Il n’y a pas qu’une seule façon de faire un coming out. Peut-être préfères-tu le faire par écrit? Montrer des vidéos youtube sur le sujet? Avoir une discussion en seul.e à seul.e? En groupe? En parler d’abord à un.e ami.e proche ou un.e membre de ta famille avec qui tu as une bonne relation pour que cette personne t’accompagne lorsque tu en parleras à d’autres? Tu n’as pas besoin d’attendre que ça fasse tant de semaines ou de mois avant d’en parler : l’important, c’est que tu te sentes prête et confortable à en parler avec la ou les personnes à qui tu veux l’annoncer. C’est normal d’être stressé.e d’avoir cette conversation avec les gens à qui l’on tient, surtout lorsqu’une personne nous fait comprendre qu’elle n’est pas tout à fait à l’aise, un peu comme tu le mentionnes pour ta mère. À ce moment-là, peut-être que tu voudras en parler d’abord aux personnes qui démontrent une ouverture à ce sujet, que ce soit un.e ami.e, un frère, une cousine ou ton père par exemple. Si tu veux en parler à une personne de ta famille, tu peux même t’en faire un.e allié.e pour voir comment l’adresser à ta mère ou à d’autres membres de ta famille.
Tu te demandes aussi quoi dire à une personne qui ne te croirais pas parce que tu n’as pas eu d’expériences amoureuses avec des filles ou qui penserait que ta bisexualité n’est qu’une phase. C’est effectivement une chose que l’on entend parfois lorsqu’une personne annonce qu’elle n’est pas hétérosexuelle. Tu te rappelles ce que j’ai dit plus haut à propos de la fluidité de la sexualité? Puisqu’elle n’est pas nécessairement fixe d’un bout à l’autre de la vie, eh bien tu pourrais répondre à une personne qui te dit que ce n’est peut-être qu’une phase qu’elle a raison! Peut-être qu’un jour tu te considéreras lesbienne, hétérosexuelle ou d’une autre orientation! Mais ce qui compte, c’est qu’en ce moment, ces attirances sont bien réelles et que tu souhaites être prise au sérieux lorsque tu dis être bisexuelle. La personne sera peut-être surprise que tu lui donnes raison, mais en lui expliquant, elle pourra voir que tu t’es posée les mêmes questions et que tu as fait tes recherches. Tu lui apprendras peut-être même quelque chose! Sinon, si la personne est hétérosexuelle, tu peux aussi lui retourner la question : comment sait-elle ou a-t-elle su que son hétérosexualité n’était pas juste une phase?
Pour ce qui est de douter de ta bisexualité parce que tu n’as pas eu de relation avec une fille auparavant, sache qu’il est tout à fait légitime de baser ton orientation sexuelle sur tes attirances plutôt que sur tes comportements. En fait, comme j’explique souvent aux gens qui nous écrivent, l’orientation sexuelle se décline en trois aspects : les désirs, les comportements et l’identité. Les désirs, ce sont nos attirances et envers qui elles se déclarent (est-ce qu’on est plutôt attiré par tel ou tel type de corps, tel ou tel type de personne, qui on aurait envie d’embrasser, etc.). Les comportements, ce sont les actions que l’on pose réellement, à l’inverse des désirs qui renvoient à l’imaginaire (ex : avoir embrassé notre amie, avoir eu une relation sexuelle avec un homme, avoir regardé les fesses d’une personne dans la rue). Finalement, l’identité, c’est l’appropriation et le choix de mots pour se décrire par rapport à notre identité sexuelle (hétéro, lesbienne, pansexuel.le, etc.). Certaines femmes, par exemple, qui auraient des désirs invariablement de l’identité de genre des personnes qui l’intéressent, mais n’avoir eu des expériences sexuelles qu’avec d’autres femmes, pourraient se définir comme lesbiennes (se basant plutôt sur leurs comportements) ou comme pansexuelles (se basant davantage sur leurs désirs) ou même d’autres termes s’ils lui conviennent mieux! L’identité, c’est vraiment propre à chaque personne, sa façon de se percevoir et son sentiment d’appartenance à une orientation sexuelle plutôt qu’une autre. Du coup, si tu te sens plus à l’aise de te considérer bisexuelle parce que c’est ce qui te semble le plus juste par rapport à ce que tu ressens, c’est la seule chose qui compte. C’est ton identité à toi, après tout!
« L’homosexualité ne me dérange pas, mais… »
Ah! Ce fameux « mais »! Celui qui indique, qu’au fond, même si la personne dit qu’elle n’est pas homophobe, elle entretient tout de même des préjugés négatifs. En général, les préjugés viennent d’un manque de connaissances sur une réalité ou des fausses croyances sur celles-ci. À ce moment-là, le meilleur moyen pour contrer les préjugés négatifs de ta mère serait l’éducation. Ça peut être en allant sur des sites comme celui d’AlterHéros, de Jeunesse, J’écoute ou d’Interligne, par exemple! Tu peux aussi discuter avec elle pour essayer de comprendre ce qui la dérange (un prétexte comme un film ou une série dans lequel il y a un couple gai peut être un bon point de départ) et tâter le terrain en même temps par rapport à tes attirances en lui demandant comment elle réagirait si tu avais une blonde un jour ou si ton frère/ta soeur/un.e cousin.e annonçait à la famille son homosexualité.
Découvrir que l’on a des attirances autres qu’hétérosexuelles et souhaiter en parler à nos proches, c’est normal que ce soit stressant! Notre société est hétéronormative, alors on peut parfois se sentir obligé.e d’annoncer que l’on ne fait pas partie de la majorité et que nous ne sommes pas « hétérosexuel.le par défaut ». On peut parfois faire face à différents préjugés comme de ne pas être cru.e ou qu’on pense que ce ne soit qu’une phase. Pourtant, nos attirances sont bien réelles et tout à fait valides! Les attirances sexuelles peuvent en effet varier et, du coup, on peut choisir de s’identifier de différentes façons au cours de notre vie, mais le plus important, c’est d’être bien avec soi-même dans le présent et de se sentir accepté.e comme tel.le!
J’espère avoir pu t’aider un peu avec tout mon blabla! En tout cas, je suis très contente que tu nous aies écrit et je t’invite à nous écrire à nouveau si tu as de nouvelles questions, si tu veux des précisions, si ta mère a des questions ou si tu veux nous donner des nouvelles. Ça fera plaisir de te répondre à nouveau!
Prends soin de toi
Marion, intervenante pour AlterHéros