Bonjour à tous,
Ma fille aînée à 14 ans (elle aura 15 ans en octobre), elle a eu deux amoureux en primaire dont notre voisin du même âge 6-7 ans à l’époque, que j’ai surpris en train de lui montrer son pénis, chose « normal » à cet âge. Puis au collège, en 4eme, elle m’a parlé de son attirance pour un garçon, puis plus rien jusqu’à récemment, elle m’a annoncé sortir avec une de ses copines, bizarrement elles sont trois de leur groupe à avoir annoncé à leurs parents être bisexuel pour la copine de ma fille, pansexuel pour une autre et ma fille qui se revendique lesbienne. Même si je ne m’y oppose pas, j’avoue que j’ai du mal à y croire est ce mon éducation et cette « normalité » que la société nous impose mais je souhaite au plus profond de moi que ça ne soit qu’une passade, je sais que l’adolescence est une période difficile, que l’on se cherche est-ce moi qui ne veut pas voir la réalité en face ou bien est ce une passade ? Surtout que ça fait phénomène de mode la façon dont elles l’ont annoncé, de plus quand elle est partie en Italie en avril elle partageait sa chambre avec deux filles qui avaient le stéréotypes gay, bien que m’a fille m’ai assuré du contraire. Qu’en pensez-vous ? Dois je faire une raison ? Merci de m’avoir « écouté ». Cordialement.
EloEil
Bonjour ! Merci de votre confiance envers AlterHéros.
Nous sommes toujours très heureux.ses de recevoir des questions de parents !
Votre fille a eu deux amoureux alors qu’elle était enfant et maintenant, adolescente, affirme son homosexualité. Au même moment, deux de ses copines ont fait un coming-out à leurs parents. Vous vous demandez s’il s’agit d’un phénomène de mode et espérez que ce ne soit qu’un passage.
Il est vrai que l’adolescence est une période particulièrement chargée en émotions, en découvertes et en expérimentations, qui est parfois difficile, autant pour les adolescent.e.s que pour leurs proches. Il se peut que ses attirances se modifient au fil du temps et des événements, mais une chose est certaine: actuellement, elle est attirée par les filles. Même si elle est au coeur de l’adolescence, ses sentiments n’en sont pas moins valides – son ressenti est même possiblement plus puissant actuellement que les sentiments amoureux et le désir que nous éprouvons, nous, adultes !
Comment faire pour composer avec cette affirmation, alors ? Cette envie que ce ne soit qu’une étape est-elle causée par votre éducation, par la société et son modèle normatif ? Êtes-vous capable de nommer les différentes raisons pour lesquelles vous souhaitez que cette orientation non-hétérosexuelle de votre fille ne soit que passager ? Je me permets de vous donner quelques pistes.
Certains parents craignent que leur enfant ait une orientation sexuelle autre que l’hétérosexualité pour plusieurs raisons, dont la possibilité de violences homophobes ou biphobes. Il est vrai qu’une orientation homosexuelle ou bisexuelle peut augmenter les possibilités de vivre des violences.
Cependant, même si ces violences sont encore présentes, nous pouvons regarder le chemin parcouru au niveau social et légal depuis les dernières décennies et constater que les choses, globalement, s’améliorent. Il est aussi vrai que la santé mentale des jeunes LGB (lesbiennes, gais et bisexuel.le.s) est, selon plusieurs études, globalement moins bonne que celle des jeunes hétérosexuel.le.s en raison des violences spécifiques et systémiques vécues, mais le soutien des parents demeure un des principaux facteurs de protection du bien-être de ces jeunes.
Certains parents ont également l’impression d’avoir à faire un deuil (mariage, enfants ou autres) lorsque leur enfant affirme être attiré par les personnes de même sexe. Pourtant, de nos jours, au Québec et en France, il est possible pour les personnes en couple avec un.e partenaire de même sexe de se marier et d’avoir des enfants. Il s’agit donc de décisions personnelles réfléchies et non obligées par une orientation sexuelle ou une autre. Les parents de personnes LGB ont donc la possibilité d’être grands-parents et d’assister au mariage de leurs enfants ! Par contre, les risques de grossesse non-désirée sont généralement nettement plus faibles. 😉
Certains parents de jeunes LGB trouvent que leur enfant a « choisi un chemin difficile ». Rappelons qu’on ne choisit pas ses désirs et attirances et qu’on n’a pas de contrôle sur ses propres sentiments et ceux des autres. Les personnes LGB n’ont pas choisi leur orientation sexuelle, pas plus que les personnes hétérosexuelles.
Un.e jeune LGB qui a fait son coming-out dans un milieu favorable aura généralement un chemin beaucoup plus agréable qu’un.e jeune qui n’a pas l’occasion de faire son coming-out en raison d’un climat défavorable dans son entourage et qui doit cacher son orientation sexuelle… ou qui vit de la violence lorsqu’elle ou il décide de sortir du placard. Et oui, il est possible d’être homosexuel.le ou bisexuel.le et heureux.se !
Aussi, la pratique religieuse a une grande importance pour plusieurs familles. Certaines d’entres elles croient qu’il est impossible de conjuguer homosexualité ou bisexualité et religion. Toutefois, malgré certaines interprétations des livres sacrés, le message des grandes religions reste celui de l’amour. Au même titre qu’une relation hétérosexuelle, une relation entre personnes de même sexe, lorsqu’elle est vécue dans le respect et le consentement mutuel, constitue un lieu d’épanouissement, de partage… et d’amour !
En terminant, une petite note quant aux « stéréotypes gais ». Il s’agit effectivement… de stéréotypes. Certaines personnes homosexuelles y correspondent et d’autres non. De plus, certaines personnes hétérosexuelles y correspondent alors qu’elles ne sont pas du tout attirées par les personnes du même sexe. Pensons par exemple aux jeunes qui subissent de l’intimidation à caractère homophobe à cause de leur look, de leur manière de s’exprimer ou de leurs hobbies – de l’intimidation basée sur des stéréotypes : plusieurs d’entre eux et elles ne sont pas homosexuel.le.s ou bisexuel.le.s.
J’espère que ma réponse vous apporte un peu de réconfort. Il a peut-être fallu beaucoup de temps et de courage à votre fille pour vous parler de son orientation sexuelle. Il vous faudra peut-être aussi du temps et de la réflexion pour apprivoiser cette information qui vous est nouvelle. Nous sommes enchanté.e.s que vous nous ayez contacté.e.s. N’hésitez pas à entrer en contact avec nous à nouveau si vous en ressentez le besoin, d’accord?
Au plaisir de vous relire,
Marie-Édith, B.A. sexologie, pour AlterHéros