TÉMOIGNAGE : Pas si facile...
Au début, je pensais que ça serais facile. Je n’avais qu’à ne pas le crier, ce n’était pas l’affaire la plus compliquée que j’avais eu à faire.
Et puis, c’était peut-être une passe ? C’est ce que tout le monde dit tout le temps, non ? Surtout que je me sentais jeune
à 13 ans, on EST jeune, il n’y a rien de sérieux
Mais ça s’est compliqué à cause de quelqu’un, à cause d’elle. Ioana. Je me demandais ce que j’avais. Entre remarquer les filles plus que les gars et ne plus être capable de se séparer de quelqu’un, il y a une grosse différence. Je me frustrais pour rien, j’étais jalouse de n’importe qui s’approchait d’elle, c’était l’enfer.
Et un jour, il y a eu une sortie avec le Club de Lecture de l’école, à une cabane dans les bois. On était 10, avec 3 chambres. Résultat : j’allais dormir dans la même chambre qu’elle. C’était spécial, on s’est parlé beaucoup et j’ai souvent pensé qu’elle avait l’air de se comporter comme je le faisais quand j’étais avec elle (comme je le faisais à ce moment là
). J’ai pensé pendant la première nuit à quel point ça me libérerait de lui dire ce que je ressentais. Et le lendemain je lui ai dit. Sans grande déclaration, c’était sorti tout seul. Par la suite, elle m’a repoussée. Gentiment, mais ça a fait mal, et je devais en parler à quelqu’un.
Je l’ai dit à ma meilleure amie. Elle l’a bien pris, mais pas suffisamment. Elle aussi a eu besoin de se confier à quelqu’un. Et une fois qu’une trentaine de personnes ont dit à une autre : « Ne le dit à personne. Té la seule à qui je le dis. » Ça tombe sur une snob qui DOIS le communiquer à l’école entière pour faire son intéressante.
Dans la semaine, je voulais m’effacer. Le nombre de fois que j’ai menti à ma mère, que j’ai menti aux profs, que j’ai essayé de paraître forte. Ça n’a pas duré et j’ai essayé de me tuer.
Maintenant je suis contente d’avoir raté mon coup, le nombre d’affaires que j’aurais ratées
Je l’ai dit à ma mère dans la semaine
elle ne l’a pas très bien pris, elle s’est plaint à mon père. Lui il a rien fait, continué à agir comme si de rien n’était, je lui en ai été reconnaissante
Puis, quelques mois plus tard, je me suis fait une blonde d’un peu moins de un an de plus âgée que moi. Mais en même temps je me suis rapprochée de Ioana à nouveau, comme avant.
Puisque je ne voulais plus en parler à des amies, je me suis dit que vu que ma mère savait et qu’elle voulait que je lui parle
bof, la seule chose qu’elle a sorti a été : « Tu vas pas me ressortir tes affaires de lesbiennes ? »
Non, non
bien sûr
je me suis tue. 4 mois que j’étais avec ma blonde, et Ioana m’a dit qu’elle m’aimait.
C’est là que je me suis trouvée une confidente : une de mes professeurs. Je la remercie grandement, je ne sais pas ce que j’aurais fais sans elle. En tout cas, je n’aurai pas survécu à mon secondaire 3 en entier
et pourtant, il est fini maintenant, et je rentre en 4 dans pas tant de temps que ça !
Enfin, je change d’école de toute façon. Je ne parlerai à personne cette fois.
Mon père ? Je ne sais même pas s’il se rappelle que je suis aux filles, je l’adore, il agit tout à fait normalement !
Ma mère ? Ah, ici il y a l’obstacle. Depuis le temps, plus de un an et demi, j’avais cru qu’elle aurait accepté. Mais on a discuté dernièrement parce que je voulais le dire à mon frère qui m’énerve ces temps-ci à me dire que je devrais avoir un chum
Ma mère a fait : « Ne lui en parle pas. Quand tu deviendras hétéro, tu ne veux pas qu’il se promène en disant que tu étais aux filles. » D’accord, elle a accepté que je le sois si ça arrête un jour
J’espère qu’elle comprendra
Et Ioana ? Je sors avec depuis un peu plus d’un mois. Je l’aimais plus. Je ne l’avais jamais sortie de ma tête.
Mais comme je l’ai dit, je change d’école.
Alors ce texte est pour elle, parce que même si on ne se voit pas pendant l’été à cause des voyages hors du pays, et même si on ne se voit plus après, parce que ça prendrait 1 heure de voyage minimum (seulement l’allé), j’espère ne jamais l’oublier.
Et il est aussi pour Mme Geneviève, ma professeur de français. Parce qu’elle non plus je ne la verrai plus, et pourtant, j’en aurai probablement encore besoin
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