8 avril 2009

Monsieur et madame ont des troubles mentaux différents

AlterHéros

«Chaque cellule du corps humain est sexuée. C’est pourquoi nous devons mieux comprendre comment les différences biologiques entre les sexes influent sur la réaction aux médicaments et aux thérapies. Nous devons aussi mieux cerner les besoins particuliers des hommes et des femmes en matière de services de santé.»

C’est ainsi que la directrice scientifique de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des Instituts de recherche en santé du Canada, Joy Johnson, a ouvert le premier symposium de la Chaire sur la santé mentale des femmes et des hommes le 27 mars à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine. La titulaire de cette nouvelle chaire est Sonia Lupien, directrice scientifique du Centre de recherche Fernand-Seguin et professeure au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’UdeM.

«En santé mentale, les recherches se font surtout avec des sujets masculins parce que ces études sont plus complexes à réaliser avec des femmes à cause de la fluctuation des taux d’hormones, a confié Mme Lupien à Forum. Mais cela n’a pas de sens de prescrire par la suite les mêmes traitements aux hommes et aux femmes parce que les troubles de santé mentale sont différents selon le sexe. Il est donc primordial de revoir les travaux dans ce domaine en tenant compte des spécificités des deux sexes.»

Chez les enfants, mentionne la chercheuse, le taux de dépression est quasi le même chez les garçons et les filles; mais, à l’adolescence, on compte deux fois plus de filles déprimées. Par contre, les déficits d’attention sont beaucoup plus nombreux chez les garçons. Ces différences de genre sont liées à la fois à des facteurs biologiques et à des facteurs sociaux, deux champs sur lesquels travaillera la Chaire.

Ancrages sociaux
Les facteurs biologiques et sociaux ont fait l’objet de communications de la part de trois chercheuses de l’UdeM au cours du symposium. Aline Drapeau, professeure au Département de psychiatrie et chercheuse au centre Fernand-Seguin, a présenté ses recherches sur l’influence des «ancrages sociaux» dans l’utilisation des services de santé mentale par les hommes et par les femmes.

De façon générale, a-t-elle dit, les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale recourent peu aux services de santé soit parce qu’elles ne reconnaissent pas les symptômes de leur maladie, qu’elles ignorent quelles sont les ressources à leur disposition, qu’elles choisissent l’automédication ou qu’elles craignent la stigmatisation sociale. Cette tendance est plus forte chez les hommes que chez les femmes.

Ses études ont montré que trois fois plus de femmes que d’hommes consultent les services généraux de santé et presque deux fois plus fréquentent les services spécialisés de psychologie et de psychiatrie. Le fait que la femme travaille ou non ne change rien, mais les hommes sans travail sont plus portés à consulter que ceux qui ont un emploi.

«L’ancrage professionnel est le facteur qui a le plus d’influence sur les hommes parce que la stigmatisation est plus grande dans leur milieu, estime Aline Drapeau. Les hommes craignent que leur entourage ne leur fasse plus confiance en découvrant leur maladie et la voient comme une menace à leur carrière.»

Différences cérébrales
Sylvana Côté, chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeure au Département de médecine sociale et préventive, s’est quant à elle penchée sur les causes biologiques des comportements antisociaux. «Dès la naissance, le cerveau des garçons diffère de celui des filles parce que les chromosomes entrainent le développement de chaines hormonales différentes, a-t-elle souligné. Cela s’accentue lors de la tempête hormonale de l’adolescence. L’imagerie cérébrale révèle également de nombreuses différences intersexes dans des structures ou des mécanismes comme l’amygdale, la latéralisation du langage ou l’action de la sérotonine.»

La chercheuse apporte une explication évolutionniste à ce type de différences, qui concorde avec les rôles biologiques distincts que l’homme et la femme ont à remplir dans la reproduction. À son avis, la biologie des sexes peut expliquer les dissemblances intersexes entre les troubles internalisés telle la dépression et les troubles externalisés comme l’agressivité, des différences qui persistent en dépit du fait que les parents tendent à éduquer de la même façon les garçons et les filles.

Adrianna Mendrek, elle aussi chercheuse au Centre de recherche Fernand-Seguin et rattachée au Département de psychiatrie, a présenté ses travaux faisant état d’une inversion sexuelle chez les schizophrènes de certaines distinctions cérébrales. «En comparaison de la population en général, il semble y avoir une masculinisation du cerveau des femmes et une féminisation du cerveau des hommes», affirme la chercheuse.

L’inversion des différences touche notamment le cortex orbitofrontal, l’hippocampe, l’amygdale et le cortex cingulaire antérieur, des circuits concernés dans le traitement des émotions. Les écarts d’activation ou d’étendue de ces structures sont apparus à la fois lors de stimulations émotionnelles et de tâches cognitives. Alors que les hommes, par exemple, sont plus performants que les femmes dans les exercices de projection spatiale, c’est l’inverse qui est observé chez les patients schizophrènes.

«Les études sur la schizophrénie qui ne tiennent pas compte des différences entre les hommes et les femmes sont au mieux incomplètes, au pire erronées», déclare Adrianna Mendrek.

Le programme de recherche de la Chaire ne portera pas que sur les aspects oubliés de la santé des femmes. «Nous allons aussi étudier des situations propres aux hommes, comme le fait pour un garçon d’être dans un milieu scolaire hyperféminisé», signale Sonia Lupien.

La titulaire de la Chaire s’intéresse plus précisément à l’effet des hormones de stress sur l’apprentissage, la mémoire et les émotions, tant chez les enfants que chez les adultes. Elle a notamment observé que le stress parental influe sur celui de l’enfant, un phénomène qui survient plus particulièrement dans la relation entre la mère et la fille.

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