Je suis tombée amoureuse de mon psy... qui est homo !
Je suis hétéro et je suis tombée amoureuse il y a 4 ans de mon psy qui est en fait homo. Vous me direz que c’est un transfert et c’est vrai, mais au début seulement. Il m’a affirmé qu’il n’était pas homo puis s’est ravisé en me disant qu’il était bi. Il a franchi la ligne de relation psy à patient, à tel point qu’il n’a plus voulu m’avoir comme patiente car je m’étais immiscée dans sa vie privée. Nous avons des amis communs. Bien que j’y pense moins, il reste quand même dans mon coeur et qu’il soit homo ne me choque pas. J’ai toujours rêvé d’avoir des amis homos mais pas de lesbiennes. A votre avis que dois-je faire? Et comment expliquez vous cette situation tordue. Merci
Bonjour
Je voudrais d’abord vous remercier de vous avoir adressé à nous pour votre questionnement. Effectivement, la situation dans laquelle vous vous trouvé actuellement ne semble pas facile. Si je comprends bien, vous souhaité entretenir une relation amicale avec votre ancien thérapeute alors que lui ne souhaite pas nécessairement s’engager dans ce type de relation. De plus, vous semblez également vous interroger par rapport à sa réaction face à vous, c’est-à-dire pourquoi celui-ci a décidé de mettre fin à la relation thérapeutique (et du même coup à une relation amicale probablement). Enfin, vous semblez vous questionner à savoir pourquoi votre thérapeute a pris la liberté de vous parler de son orientation sexuelle et ainsi franchir la ligne de relation psy à patient.
D’abord, il est assez fréquent effectivement que les personnes qui consultent un thérapeute en viennent à développer un sentiment très fort à leur égard. Je dirais même que le développement de ce sentiment est quasiment essentiel à la relation thérapeutique. En effet, une personne consulte généralement parce qu’elle n’est pas capable de faire face ou d’accepter une situation problématique. Bien souvent les situations problématiques sont très chargées au niveau émotionnel et souvent des sentiments très forts de honte, de culpabilité, de colère ou de regret sont associés à ces situations. Le rôle d’un thérapeute est d’aider la personne, d’une part à accepter de vivre ces sentiments et d’y faire face (parce que bien souvent ils sont refoulés) et d’autre part d’aider la personne à faire sens de ce qu’elle vit et à l’accepter. Comme vous le mentionnez dans une relation thérapeutique, il y toujours un transfert (c’est-à-dire lorsque le client « transfert » ses sentiments négatifs au thérapeute) et un contre-transfert (c’est-à-dire lorsque le thérapeute « renvoi » au client ses sentiments négatifs mais qui sont en quelque sorte dédramatisés et plus facilement acceptables). En fait, on peut voir le thérapeute comme un « mentalisateur d’affect », c’est-à-dire une personne qui nous aide à faire sens de ce que l’on vit. Or, pour que ce transfert et ce contre-transfert se fassent adéquatement, le thérapeute doit instaurer entre lui et son client une relation de confiance extrême (une relation de confiance que l’on retrouve habituellement seulement au sein des relations amicales très intenses ou des relations amoureuses). Il arrive donc fréquemment que les personnes qui consultent confondent ce qu’ils vivent avec leur thérapeute avec des sentiments d’amitié ou d’amour.
Par contre, ce n’est absolument pas le rôle d’un thérapeute d’être un ami ou un amoureux. D’ailleurs, le code des professions interdit formellement à tous psychologues d’entretenir avec son client une relation « autre que basée strictement sur la confiance thérapeutique ». Ce qui explique par ailleurs la réaction de votre psychologue de refuser de vous voir comme cliente suite à la révélation de son homosexualité. De plus, normalement, un psychologue doit attendre un certain temps après la fin de la relation thérapeutique (certains codes déontologiques disent deux ans, d’autres codes déontologiques disent même à vie) avant d’avoir une relation amoureuse ou amicale avec ses clients. En fait, le code interdit pour un thérapeute d’avoir une relation avec un ancient client s’il sent que la confiance thérapeutique est encore là et que le client risque d’être dans une position « vulnérable ». Ainsi, il se peut que l’hésitation de votre ancien thérapeute à entretenir une relation amicale avec vous soit en lien avec ces règles déontologiques.
Enfin, pour ce qui est de la confession de la part de votre thérapeute face à son orientation sexuelle, je ne me sens malheureusement pas en mesure de vous répondre à ce sujet. Je ne sais pas trop pourquoi votre thérapeute a pris la liberté de vous parler de son orientation sexuelle. En fait, cela n’aurait pas du se produire (selon son code déontologique) mais bon il faut se rappeler que les thérapeutes sont des humains après tous et je crois qu’il arrive parfois qu’ils fassent des erreurs relationnelles comme franchir la ligne de relation thérapeute/client. Peut-être est-ce parce qu’un climat de confiance particulièrement fort s’est installé entre vous ou encore parce qu’il se sentait plus proche de vous que de d’autres clients. Vous me mentionné que vous avez des amis communs. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà vus tous les deux à l’extérieur du cadre thérapeutique. Si oui, il se peut que votre ancien thérapeute se soit senti particulièrement à l’aise avec vous à cause de cela.
Que faire avec cette situation? Je dirais que cela dépend de la proximité que vous avez présentement avec votre ancien thérapeute. En fait, si vous êtes en contact avec lui et que vous vous sentez à l’aise, vous pourriez peut-être lui parler de vos sentiments clairement et lui demander ce qu’il en pense. Ce faisant, cela vous permettra peut-être de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé entre vous deux et d’éclaircir les ambiguïtés. D’autre part, cela vous permettra sûrement de mieux comprendre comment celui-ci se sent envers vous et s’il a envie ou de s’engager dans une relation amicale.
En espérant avoir répondu à votre questionnement. Je vous souhaite bonne chance car je sais que ces situations peuvent être parfois délicates. Si vous avez d’autres questions ou des commentaires, n’hésitez surtout pas à nous réécrire!
Marie-Joelle, pour AlterHéros