Bonjour. Ce n’est pas la première fois que je vous écris, mais aujourdhui cela sera pour des raisons différentes de d’habitude. Je ressens beaucoup de haine pour les personnes LGBT+ depuis que je suis en questionnement sur mon genre. Je n’en ai pas eu avant, considérant ça comme normal grâce à mon éducation. Maintenant je trouve une trop grande part de cette communauté detestable et désagréable. Quand je vois une allusion plus ou moins fortes liée à ceci, je ne peux pas m’empêcher de ressentir du malaise et de la colère. Cette haine est parfaitement irrationnel. À quoi cela peut-il être du et comment l’arrêter ? Merci d’avance,
Poisson
Bonjour Poisson,
Merci de prendre le temps d’écrire à Alterhéros. Je vais tenter de te répondre du mieux que je le peux.
Comme je lis que tu te questionnes sur ton genre, je vais utiliser l’écriture inclusive pour m’adresser à toi (celle que j’utilise également pour parler de moi). Si tu ne l’utilises pas déjà, cela te permettra de voir si cela te convient ou non.
Si je comprends bien, depuis que tu es en questionnement sur ton genre, tu ressens beaucoup de haine pour les personnes LGBTQ+. Tu parles également de ressentir de la colère et des moments de malaise lorsque tu vois des choses reliées à la communauté. Tu ne comprends pas cette haine et tu cherches des réponses à pourquoi celle-ci est présente et comment l’arrêter.
Il est difficile pour moi de mettre exactement le point sur les raisons de ta colère puisque j’ai peu d’éléments dans ton message. Par contre, je peux te parler de ce qui ressort de ce que tu dis et d’une hypothèse possible pour expliquer ce que tu vis. Tu pourras ensuite voir si cela te parle ou non.
Je me demande si cette haine que tu ressens n’est pas en réaction à tes questionnements sur ton identité de genre. Je m’explique : la communauté LGBTQ+ t’offre un espace qui te permet de questionner qui tu es et surtout cellui qu’on t’a dit que tu étais toute ta vie. Cet espace te permet donc d’ouvrir des portes, pas toujours agréables. Parfois, on se retrouve confronté.e à des choses qu’on n’avait pas vues (ou qu’on n’avait pas voulu voir) en côtoyant des personnes avec qui on partage certaines choses. Dans notre environnement habituel, ces questionnements ont souvent peu de place, on fait comme s’ils n’existaient pas.
Cette confrontation peut être extrêmement difficile et violente. Et là, une des réactions possibles, c’est la colère. La colère contre des personnes qui nous ont ouvert les yeux sur des choses qu’on aurait voulu ne jamais voir. Parce que oui, c’est clair que si nous n’étions pas dans ces espaces, nous aurions peut-être été moins enclin.e.s à questionner des choses qu’on ne nous permet pas de questionner ailleurs, comme l’identité de genre.
Cette colère et ce malaise peuvent être liés non seulement au fait que te questionner te force à revoir beaucoup de choses sur ta personne, et cela également dans ton rapport aux autres. Si je comprends bien, tu dis avoir reçu une éducation qui ne t’a jamais parlé de ce genre de questionnements. Pourrais-tu avoir peur de la réaction de tes proches ? As-tu peur de ne pas être soutenu.e ou même cru.e ?
Cette haine des personnes LGBTQ+, penses-tu qu’elle pourrait avoir un lien avec de l’homophobie intériorisée ? Selon C’est comme ça:

L’homophobie intériorisée est le fait de rejeter sa propre homosexualité. Cette homophobie intériorisée résulte d’une perception négative de l’homosexualité, conséquence d’une homophobie sociale ou familiale, qui peut empêcher de se représenter comme lesbienne, gay ou bi. Cela peut se traduire par des sentiments négatifs comme la honte ou la culpabilité, par des tentatives d’ignorer ou de refouler ses attirances, voire même de les changer en se “forçant” à vivre comme une personne hétérosexuelle. Parfois, la frustration et la colère qui en découlent peuvent même être la source d’une agressivité tournée vers soi, ou vers les autres personnes LGBT. On parle souvent de l’homophobie dans la société, dans les familles ou dans les religions, mais moins souvent de celle qui peut toucher les personnes LGB* elles-mêmes. Se découvrir des attirances homosexuelles à la puberté (ou plus tard !) n’est pas toujours facile, et parfois la première personne à rejeter cette idée est celle qui se sent concernée. Elle mettra quelques mois ou quelques années à s’informer, prendre du recul, chercher du soutien, et si tout se passe bien, cet aspect de son identité va finir par être naturellement intégré parmi tous les autres.

Évidemment, là on ne parle que d’homophobie, mais cela pourrait également être de la transphobie intériorisée. C’est la même chose que pour l’homophobie, mais avec le fait de rejeter sa possible transidentité.
Se questionner sur qui on est peut être effrayant. Ça amène plein d’émotions différentes : de la peur, de la peine, de la colère ou encore du dégout. Ce sont des émotions normales. Heureusement, ce ne sont pas les seules. Tes questionnements peuvent également t’amener plusieurs émotions positives : la joie, l’amour (de soi et des autres), la fierté, la reconnaissance. En prenant le temps d’apprendre à te connaître et devenir qui tu es, tes sentiments envers toi-même vont évoluer.
Je te recommande de t’accompagner dans tes questionnements avec bienveillance et de t’interroger sur cette colère. Tu peux même le faire sur papier si tu es plus à l’aise. Tu peux te poser ces questions : qu’est-ce qui me met tant en colère ? Quel est mon rapport avec les personnes LGBTQ+ ? est-ce que cette colère a-t-elle un rapport avec mes questionnements ? Cet article pourrait t’aider à explorer les sentiments que tu vis par rapport au fait d’être possiblement LGBT+.
Je te recommande également de lire sur la communauté LGBTQ+ si cela te rend à l’aise ou de rejoindre des groupes Facebook avec des personnes en questionnement. Cela te permettra de démystifier un peu toutes les idées que tu te fais. Je peux te recommander un petit livre (malheureusement juste en anglais) A quick and easy guides to queer and trans identities qui parle d’identités queer et trans.
Si cela peut te rassurer, c’est normal et sain de se questionner. Puis c’est également normal de ressentir de la colère. Prends le temps de ressentir ces émotions, qui peuvent être désagréables, pour essayer de trouver des réponses à tes questions. Je pense que l’acceptation de tes questionnements pourrait apaiser un peu ta colère. Également, réaliser que beaucoup de personnes LGBTQ+ sont des allié.e.s, plutôt que des ennemi.e.s, pourrait peut-être t’aider à réaliser que tu n’est pas seul.e là-dedans.
J’espère que tu trouveras tes réponses pour cette nouvelle année. Tu as le temps, essaie d’être bienveillant.e avec toi-même. Tu n’es pas seul.e.
Merci de nous avoir écrit, n’hésite pas à le refaire si tu en ressens le besoin.
Bonne année,
Em, pour AlterHéros