Je crois être lesbienne mais j'éprouve du désir pour des garçons
Bonjour,
En fait je pense être lesbienne mais pour moi, être lesbienne, c’est ne plus rien ressentir pour le sexe masculin, ce qui n’est pas mon cas. Je ne ressens pas de l’amour à proprement parlé mais du désir plutôt, et j’en ressens aussi pour les femmes mais c’est normal de vouloir « plaire » aux hommes alors que je suis « sensée » aimer les femmes? Après j’ai aussi eu des problèmes avec mon père, ce qui peut faire que je recherche la validation masculine?
De plus, dès que ça devient sérieux avec un homme je prends la fuite: subitement je ne ressens plus rien. J’avais embrassé un garçon et ça m’a dégoûté, mais je me suis dit que c’était seulement parce que c’était avec ce garçon en particulier… Ensuite j’ai eu une « relation » avec une fille et là j’étais prête à m’engager sérieusement, l’idée ne me rebutait pas et je faisais des efforts immenses pour sortir de ma zone de confort pour essayer de sortir avec elle sauf que ça ne s’est pas fait puisqu’elle m’avait caché le fait qu’elle était en couple et j’ai mis plus de 6 mois à oublier une « relation » de 2 semaines lol.. Mais ça ne fait pas de moi une lesbienne, si? Sachant que j’ai toujours eu une affinité +++ avec les femmes, je peux être moi-même avec elles, sans gêne, alors qu’avec les hommes j’ai toujours l’impression de devoir faire « bonne figure » et de m’oublier carrément…
Je suis perdue, j’espère que quelqu’un sera apte à répondre à ma question, désolée pour la longueur du message…
Bonjour Ines2807,
Merci de nous avoir contacté·e·s avec ta question, je vais faire de mon mieux pour y répondre !
Donc, si je comprends bien, tu te questionnes sur ton orientation sexuelle, plus spécifiquement sur le fait que tu sois lesbienne. Tu as eu des expériences peu satisfaisantes avec des hommes qui t’ont montré que tu préfères être en couple avec des femmes. Tu ressens néanmoins du désir pour les hommes. Quand tu es avec des hommes, tu dis avoir l’impression de t’oublier en voulant leur plaire. Quand tu es avec des femmes, tu es davantage capable d’être toi-même. C’est bien cela ?
Il est tout à fait compréhensible que tu ressentes de la confusion et une certaine hésitation quant à savoir si tu es lesbienne ou non, surtout si tu as l’impression de ne pas correspondre au moule associé à cette étiquette. Il est aussi tout à fait normal de sentir que ton identité n’est pas totalement définie, d’autant plus si tu n’as pas eu beaucoup d’expériences avec des femmes. Malheureusement ou heureusement, beaucoup de personnes ressentent la même chose. De plus, cette pression constante ou ce désir intérieur de plaire aux hommes, bien que cela puisse sembler contradictoire, est une expérience assez courante chez les personnes qui s’identifient comme lesbiennes. En bref, tu n’es pas la seule à te questionner sur ces éléments !
La première chose qui me saute aux yeux dans cette situation, c’est quelque chose qu’on appelle l’hétérosexualité compulsive (compulsive heterosexuality ou comphet). Elle se définit comme une pression (interne ou sociétale) à plaire aux hommes, par exemple en ayant l’impression de devoir être attirante pour eux, ce qui rend plus difficile le fait de savoir si l’on est attiré par les femmes. C’est quelque chose que vivent particulièrement les personnes assignées femmes à la naissance, car elles sont élevées et socialisées pour plaire aux hommes à travers les rôles de genre. Dans la société occidentale, malheureusement, on apprend aux femmes qu’elles doivent plaire aux hommes pour être valorisées, que ce soit à travers les standards de beauté, l’hétérosexualité étant considérée comme la norme et la seule “bonne” façon d’être en couple, etc. Beaucoup de lesbiennes vivent de l’hétérosexualité compulsive, et beaucoup d’entre elles sortent avec des hommes en pensant que c’est la seule forme de relation amoureuse et sexuelle possible, avant de réaliser, parfois après de nombreuses années, qu’elles sont en réalité uniquement attirées par les femmes. Quand tu évoques cette recherche de validation masculine, cela me fait beaucoup penser à l’hétérosexualité compulsive. Mais qu’en penses-tu ? Tu mentionnes ressentir des désirs envers les hommes, mais de quel type de désirs s’agit-il ? As-tu envie qu’ils t’apprécient et soient attirés par toi ? Désires-tu être intime avec eux ? Es-tu plutôt attirée esthétiquement par les hommes, en d’autres mots, parce que tu peux apprécier leur beauté (sans que cela soit forcément sexuel) ? Tu parles aussi de certaines difficultés avec ton père, et cela peut avoir un impact sur ta perception des hommes, mais il n’y pas nécessairement un lien de causalité entre les deux. En tout cas, ce serait quelque chose d’intéressant à explorer en thérapie, idéalement avec un·e thérapeute queer-friendly.
Quand il s’agit du terme lesbienne, comment te sens-tu en l’utilisant ? Quand tu te dis « je suis lesbienne », qu’est-ce que cela te fait ressentir ? As-tu l’impression que ce terme te correspond bien ? Cette étape peut être utile pour t’aider à déterminer si tu veux continuer à utiliser cette étiquette ou non. Il est important de noter que la définition du mot lesbienne peut varier selon certaines personnes. Certaine·s s’identifient comme lesbiennes et sont attirées par des personnes non binaires ou des femmes trans, tandis que d’autres ne le sont pas. Il peut aussi être intéressant d’explorer d’autres étiquettes, comme le terme saphique, qui est une appellation plus générale désignant l’attirance d’une personne féminine ou assignée femme à la naissance envers la féminité ou les femmes cis/trans. Un terme encore plus large est queer, qui est une manière d’exprimer le fait de ne pas être hétérosexuel (ou cisgenre lorsqu’il est utilisé pour parler du genre). Cette étiquette offre plus de liberté et permet de ne pas être restreint·e par des catégories, ce qui peut être libérateur. Mais, ce qui importe le plus au final, c’est que le terme avec lequel tu t’identifies te fasse sentir bien. Et si tu n’en trouves pas un qui te convient, ce n’est pas grave : tu n’es pas obligée de te définir. Il est aussi essentiel de se rappeler que cette étiquette peut évoluer avec le temps, car les humains évoluent et changent au fil du temps. Il est donc tout à fait normal qu’une étiquette ne te suive pas toute ta vie !
Puisque tu questionnes ton attirance envers les hommes, voici quelques questions que tu peux te poser : est-ce que je coucherais avec un homme ? Est-ce que je me sentirais à l’aise d’avoir un copain ? Est-ce que je me verrais nue avec un homme ? Quand je pense à mon avenir, est-ce que je m’imagine dans une relation à long terme avec un homme ? Je trouve que, malgré une certaine forme d’attirance pour les hommes, si cela ne te donne pas envie d’avoir des relations intimes ou une relation amoureuse avec eux, cela en dit déjà beaucoup. Les hommes peuvent être très attirants ! Et je dis ça en tant que personne qui s’identifie comme lesbienne. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que je veux coucher avec eux. Mais j’entends que tu as déjà essayé d’embrasser un garçon et que tu n’as pas aimé, et que tu n’aimes pas non plus quand les choses deviennent sérieuses avec les hommes. Il est tout à fait possible que ce soit juste les hommes avec qui tu as été impliquée, mais il est aussi valide d’interpréter, à partir de ces expériences, que tu n’es pas attirée par les hommes de cette manière. Au final, tu es la seule personne qui sait ce que tu ressens.
Pour finir, je suis désolé·e que la relation que tu as eue avec ton ex-copine se soit révélée insatisfaisante et que cela t’ait amené beaucoup de souffrance. Même si cette relation n’a duré que deux semaines, je vois qu’elle a eu un réel impact pour toi. En effet, les premières relations lesbiennes peuvent être marquantes, surtout pendant l’adolescence. Mais je me demande : penses-tu que tu n’es pas lesbienne parce que cette relation n’a duré que deux semaines et pas plus longtemps ? As-tu l’impression de ne pas vraiment être lesbienne parce que tu n’as pas beaucoup d’expérience avec les femmes ? Une question intéressante à se poser est de retourner la situation vers la norme : comment les personnes hétérosexuelles savent-elles qu’elles sont attirées par un autre genre alors qu’elles n’ont pas encore eu d’expérience romantique ou sexuelle ? C’est assez hypocrite, en réalité : l’hétérosexualité est perçue comme quelque chose d’inné chez tout le monde, tandis que toute autre orientation semble devoir être prouvée par des expériences. Alors, je veux simplement te dire que tu n’as pas besoin de prouver que tu es lesbienne. Réfléchis à qui tu as envie d’être avec, et laisse cela te guider. Écoute-toi quand tu ressens du désir ou du désintérêt. Laisse-toi le temps d’explorer, de mieux te comprendre.
J’espère que cela t’a été utile et que ton chemin vers une meilleure compréhension de toi-même sera empreint de compassion ! N’hésite pas à nous envoyer d’autres questions à nouveau si besoin, nous serons heureux·ses de te répondre !
Lorena (iel), étudiant·e en sexologie