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18 août 2022

Aurais-je développé et intériorisé de la transphobie à mon encontre?

Bonjour,

Je m’appelle Luna, j’ai 29 ans et je suis en questionnement à propos de moi même sur un point bien particulier.

Je m’explique dans les faits je suis une fille trans. Ma transition touche à sa fin d’un point de vue médical (reste principalement une vaginoplastie à faire dans le premier trimestre de l’année prochaine, j’attends confirmation d’une date.), à côté de cela je pense pouvoir dire que ça va, je suis en couple avec une femme merveilleuse, j’ai plusieurs projets pour l’avenir aussi bien personnellement que professionnellement, j’ai la chance d’avoir des personnes bienveillantes, sincères et aimantes autour de moi seulement…

Depuis plusieurs mois, j’ai ce doute qui fait que je n’arrive pas/plus à trouver ma place que cela soit au sein de la communauté LGBT+ ou même d’une manière plus générale.

Je ne me reconnais plus à travers la première et en même temps je crains la seconde de par son aptitude à toujours trouver quelque chose à redire des lors que nous ne rentrons pas dans leur case intitulée «Normale».

Je n’arrive pas ou refuse de me considérer comme trans (n’y voyez rien de mal et je m’excuse si mes propos peuvent blesser certaines personnes ce n’est pas le but, j’essaye juste d’exposer mon problème en trouvant les mots qui me semblent le plus adapté à MA situation.) Je n’ai pas cette fierté, mais plutôt une sorte de dégoût de moi même parfois (qui ressort quand je fais encore quelques épisodes de dysphorie ou des légers complexes par rapports à certaines filles cisgenres).

Je n’ai aucun soucis à en discuter avec mes adelphes et me sent bien avec elleux car la communication est plus fluide, moins de tabous et/ou préjugés mais je me considère pourtant seulement comme une fille, car c’est ce que je suis, je le sais depuis que j’ai 6 ans, je suis très «binaire» (parfois je suis un stéréotype de fille cis) dans ma façon d’être même si je ne crois pas en la binarite des genres.

De l’autre côté, je n’arrive pas à me sentir non plus totalement cis (factuellement parlant c’est dur à accepter quand bien même je passe bien.)

J’ai tellement vécu de violences (du simple rejet de mon identité au viol et tabassage collectif quand j’étais plus jeune). Et le moindre truc me fait douter parfois «est ce que je suis bien là ? Assez ceci? Pas trop cela? (Oui là question de l’intégration est toujours compliquée).

J’ai simplement envie de pouvoir mener mon existence simplement et ne plus avoir à me justifier ou subir de mauvaises choses à nouveau (je suis une douce rêveuse parfois).

Ma chérie me dit que si je ne parviens pas à faire la paix avec moi même et ma transidentite cela sera toujours plus compliqué mais c’est difficile.

Dernièrement j’ai littéralement lâché durant une discussion avec ma compagne «ça me tue les cis elles n’imaginent pas la chance qu’elles ont, le fait d’être trans c’est un fardeau à vivre. J’ai l’impression d’être née avec une p***** de malédiction. » Et j’en ai beaucoup pleuré.

Aurais je développé et intériorisé de la transphobie à mon encontre?

Je vous remercie d’avance de prendre le temps de me lire et pour votre future réponse.

Je vous lis depuis un petit moment et trouve que vous faites un travail extraordinaire.

 

Luna

Maxim-e

Bonjour Luna,

 

Désolé.e pour notre délai de réponse, mais merci de nous avoir écrit. Ne t’inquiètes pas tes propos ne sont pas blessants ou offensants, je comprends qu’ils font références à ta situation et ta souffrance en particulier. J’espère que ma réponse sera à la hauteur de celles que tu lis sur notre site depuis quelque temps 🙂

 

Alors, pour commencer l’aspect au centre de ta question semble être la dysphorie internalisée, c’est-à-dire les sentiments négatifs, le malaise important voir même le dégoût que tu ressens d’être trans. Tu t’interroge aussi à savoir si tu as pris les bonnes décisions, si tu es à la bonne place. Est-ce que c’est bien ça?

 

Il y a plusieurs choses que j’aimerais te répondre à ce sujet, premièrement tu dois t’en douter si tu discute avec d’autres personnes trans mais on est beaucoup à passer par ces difficultés, ces inquiétudes et cette dysphorie. Même après avoir entamé et bien avancé une transition, même après plusieurs années et un réseau de soutien solide, c’est possible de se comparer aux cis, d’être déprimé.e, insatisfait.e ou de regretter de ne pas être né.e dans un corps qui correspondrait davantage à ce qu’on aurait préféré. Ça arrive, il y a des périodes plus difficiles que d’autres, par exemple avant ou après une chirurgie, mais il y aura aussi des moments plus faciles. 

 

Je dirais aussi que dans notre société actuelle, être insatisfaite avec son corps, se comparer à des standards de beauté inatteignables et déprimer de ne pas être assez féminine est probablement la chose la plus féminine que tu pourrais faire. Il y a énormément de femmes cis qui ressentent un inconfort douloureux et une solitude qui se rapproche de la dysphorie de femmes trans. Parfois, cela peut être rassurant de se rappeler que des femmes de tout âges, poids et cultures ne se reconnaisent pas non plus dans le moule de la femme parfaite attendu par la société.

 

Je trouve intéressant que tu compares le fait d’être trans à un fardeau ou une malédiction, un peu comme si tu étais une créature surnaturelle comme une vampire ou une louve-garou. J’ai l’impression qu’il y a aussi un aspect d’empowerment à être monstrueux.euse, dans un sens on peut avoir accès à des capacités, de la force, de la rapidité et du charme naturellement inaccessibles aux humain.e.s mortel.les, seulement à un coût. On doit boire, manger, s’injecter ou avaler certaines substances, gérer le jugement des villageois.e.s et la représentation caricaturale dans les films d’halloween. Mais peut-être qu’on fond, la possibilité d’être pleinement et authentiquement effrayant.e.s en vaut la peine?

 

Bon, j’espère que ma métaphore n’était pas trop boiteuse, c’est évidement pas 100% représentatif en tout points, en tant que personnes trans on est bien plus cutes. L’humour, l’art et la créativité sont d’autres stratégies qui peuvent aider à médier ses sentiments et pensées difficiles. Parfois on n’a pas envie de démoraliser ses proches en leur parlant de nos problèmes, mais il y a des façons d’exprimer son malêtre sans que cela spirale en épisode dépressif. Tu peux faire comme beaucoup de femme et prendre un verre de vin dans un bain moussant et attendre que ça passe.

 

J’entends quand même que malgré ton sentiment d’avoir du soutien de personnes proches, tu ne te reconnais pas totalement dans les communautés LGBTQ+ et trans. Tu dis être une fille, simplement, et vouloir vivre ta vie sans justifications ni obstacles, bien qu’en même temps tu ne te retrouves pas pas totalement dans le monde cis et hétéro non plus. Encore une fois, je te dirais que ce sentiment d’entre eux est très humain. Je ne crois pas qu’il y ait de personne qui représente une seule et unique communauté et l’ensemble total des traits qui y sont associés. Tu peux être une personne unique et complexe, et te reconnaître dans certaines expériences et normes LGBTQ+ et/ou trans, mais pas toutes, et aimer la banlieue,les tours de bureau et le maquillage de pharmacie quand même. 

 

Ta copine a sans doute raison que tu devrais faire la paix avec ta transidentité, mais c’est correct si tu as besoin de temps pour accepter et faire le deuil de certaines choses. À te lire, tu semble être une femme beinveillante, intelliegente et en contact avec ses émotions. Je crois que tu as toutes les capacités et les ressources pour passer au travers de cette période difficile émotionnellement et en ressortir encore plus forte.  

 

Bon courage, prend soin de toi,

 

Maxim·e, intervenant·e pour AlterHéros

Iel/they/them, accords neutres

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