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28 mars 2024

Accepter son homosexualité en région

Témoignage

AlterHéros

Pour se faire accepter des autres, les gens doivent généralement entrer dans un moule bien précis. Les personnes différentes subissent parfois les préjugés de leurs pairs. Être obligé de vivre une double vie, se cacher de son entourage, avoir de la difficulté à s’accepter; les homosexuels connaissent bien cette réalité, surtout en région.

L’acceptation de son orientation sexuelle est difficile pour les gays et les lesbiennes à qui, dès leur enfance, on enseigne que la normalité est un couple formé d’un homme et d‘une femme.

Steven Renald, intervenant au groupe Losange (une association de gays et lesbiennes au Cégep de Jonquière), soutient que les homosexuels représentent 10% de la population. Il affirme que la peur de ne pouvoir vivre une vie normale et de subir le rejet des pairs compte parmi les raisons les plus souvent évoquées par les personnes qui n’osent pas révéler leur homosexualité.

Chez certains, la peur est tellement grande qu’ils vont jusqu’à mettre fin à leurs jours. Chez les jeunes, trois suicides sur six sont reliés au refus d’accepter son orientation sexuelle.

Jimmy Simard, intervenant au G.R.I.S, affirme quant à lui qu’il est plus facile de se limiter à la perception de l’inconnu par les préjugés que d’oser voir les choses telles qu’elles sont et de s’avancer vers elles pour les découvrir. « L’éducation, les préjugés et l’estime de soi sont les facteurs qui déterminent si une personne acceptera bien son orientation », estime-t-il.

Catherine Pelletier, 20 ans, soutient qu’inconsciemment elle a toujours su qu‘elle était lesbienne. Elle l’a en a pris conscience à 16 ans, lorsque deux homosexuels du groupe de recherche et d’intervention sociale gais et lesbiennes (G.R.I.S) sont venus à son école pour démystifier l’homosexualité.

« J’ai gardé mon orientation secrète pendant deux ans parce que j’avais peur du rejet, de ne pas avoir une vie normale et de ne pas pouvoir fonder une famille », dit-elle.

Le support des parents : essentiel

David Bertet, un animateur du groupe d’entraide Jeunesse Lambda, créé pour les gay, lesbiennes et bisexuels de moins de 25 ans, note que la plupart des parents ont peur pour leur enfant lorsqu’ils apprennent son homosexualité, car ce mode de vie est souvent rattaché, dans l’esprit populaire, à une vie malheureuse.

Il affirme cependant que le support des parents est quasi essentiel pour aider les jeunes à accepter leur orientation. « C’est un pas important dans le processus d’affirmation que d’avoir le soutient de ses parents. Savoir que l’on est accepté par nos proches nous permet d’aller plus loin. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas », indique-t-il.

C’est pourquoi Catherine a finalement annoncé son orientation à ses parents à l’âge de 17 ans, alors que ces derniers ne se doutaient de rien. «Nous avons gardé ensuite une très bonne relation, je suis contente d’avoir des parents humains et compréhensifs», affirme-t-elle.

Idem pour Annie Nadeau, 30 ans. Elle raconte que sa mère a très bien accepté son homosexualité, et qu’elle est aujourd’hui très contente que sa fille soit heureuse. Par contre, elle lui a avoué qu’elle avait pleuré pendant deux semaines parce qu’elle s’inquiétait pour sa fille et avait peur sa vie soit plus difficile.

La peur du célibat     

Outre la peur du rejet, la crainte d’avoir à vivre célibataire est un autre aspect qui inquiète les jeunes homosexuels, surtout lorsqu’ils habitent hors des grands centres comme Montréal et Québec.

«On dirait que je suis condamnée au célibat parce que je n’aime pas les bars, que le net est rempli de loosers et que toutes les filles qui m‘attirent sont hétérosexuelles», confie Catherine Pelletier, qui trouve que c’est bien difficile se faire une copine.

Keven-Françis Perron, un jeune gay de 20 ans, affirme lui aussi que la solitude nuit aux homosexuels en région, car les lieux de rencontre sont presque inexistants. S’il a pris conscience de son homosexualité à l’âge de huit ans, c’est à 14 ans qu’il a commencé à fréquenter des garçons.

Par ailleurs, ce jeune homme dit être très à l’aise avec son orientation sexuelle. Son entourage est au courant de ses préférences amoureuses. «En général, les êtres humains ont de la difficulté avec la différence. Il faut vivre avec», dit-il.

Quant à Annie Nadeau, elle explique qu’elle s’est mentie durant de nombreuses années en se trouvant des excuses pour expliquer son manque d’intérêt envers les hommes. Les membres de son entourage savaient qu’elle était lesbienne avant qu’elle ne se l’avoue.

Elle a même déjà pensé qu’elle était asexuée et qu’elle serait célibataire toute sa vie: «J’étais la reine des autruches», dit-elle. Elle s’est avouée qu’elle aime les femmes dans la vingtaine, alors qu’elle s’est retrouvée par hasard dans la ville gaie de Provincetown, près de Boston, aux États-Unis.

Évolution des mentalités

Jacques Paré, maintenant âgé de 60 ans, soutient que la mentalité de son époque ne l’a pas aidé à accepter son homosexualité. «Je croyais qu’aimer les hommes était normal, jusqu’à ce que mes professeurs me disent que c’était péché et honteux», dit-il.

Il raconte qu’à l’âge de 18 ans, ses amis et lui se sont fait arrêter parce qu‘aucune fille ne les accompagnait. Ils allaient même jusqu’à voyager séparément en autobus pour se rendre dans des bars gays.

Son entourage a réagit par l’indifférence et la moquerie. Sa famille l’a même incité à se marier avec une femme. Il l’a laissée pour un homme qu’il fréquente depuis dix ans. Ses parents ont finalement laissé paraître qu’ils acceptaient son orientation, mais ils ont également fait sentir à leur fils qu’ils aimeraient que ses visites soient moins fréquentes à l’avenir…

Aujourd’hui, Jacques Paré constate que les mentalités ont grandement changées, mais qu’il y aura toujours des préjugés. « Il est maintenant beaucoup plus facile pour les jeunes de s’afficher », dit-il.

David Bertet mentionne de son côté que les barrières culturelles et religieuses expliquent en partie la difficulté des familles à accepter l’orientation de leur enfant.

Il souligne qu’avant le 13e siècle, les mariages homosexuels étaient permis en Europe. Ils ont été interdits à la suite de l’épidémie de la grande peste, car l’Église catholique voulait encourager la reproduction. La chrétienté a donc, selon lui, beaucoup à voir avec les préjugés qui perdurent aujourd’hui. «Il faut défaire les mentalités qui sont forgées depuis des années», dit-il.

Le coming out

Annie Nadeau croit que les homosexuels doivent faire leur coming out (sortie du placard) toute leur vie, à chaque nouvelle rencontre. D’ailleurs, elle s’est aperçue qu’elle se rapprochait des gens lorsqu’elle leur avouait son orientation. « J’éprouve un intense sentiment de libération chaque fois que je l’annonce à un de mes proches », souligne-t-elle.

Étant psychologue de profession, elle affirme qu’elle ne se sentirait pas très apte à aider un jeune qui a des problèmes à accepter son orientation sexuelle, car elle n’a jamais entendu parler d’homosexualité au cours de sa longue formation. Trois petites heures de formation à ce sujet ont depuis été ajoutées au cours de déontologie…

Selon Mme Nadeau, ce qui est important lorsqu’on fait face à un jeune qui confronte son orientation sexuelle, c’est de l’écouter, de lui faire comprendre qu’il n’est pas anormal, qu’il est loin d’être le seul dans son cas et que l’homosexualité n’est pas un choix. Elle considère qu’il est important d’apprendre à vivre en fonction de soi et non de ce que les autres pensent.

Louise Gauthier, 36 ans, soutient qu’elle n’a jamais découvert son orientation, mais l’a toujours su et repoussée dans son inconscient. Elle ne pouvait pas la concevoir à cause de son éducation. «Je voyais l’homosexualité comme quelque chose de grave, de laid et d’interdit», dit-elle. Elle s’est enfoncée dans l’alcool et la drogue afin de ne pas affronter la pénible réalité.

Elle a même été amoureuse d’un homme qu’elle a fréquenté de 23 à 30 ans. À la suite de son «coming out», à l’âge de 30 ans, son entourage a bien réagit à l’exception de son père qui n’arrive pas à passer par dessus ses préjugés.

Identiques aux hétérosexuels

Josée Tremblay, 19 ans, a découvert son orientation sexuelle lors d’un rêve. Elle n’a pas eu de difficulté à l’accepter, mais elle considère que c’est beaucoup plus difficile à gérer lorsque vient le temps de l’annoncer à plusieurs personnes. «Je me disais que je ne pouvais plus changer d’idée, car j’aurais eu l’air mêlée», dit-elle.

«Les gens se font une idée trop rigide de ce que nous sommes, ils croient dur comme fer à leurs stéréotypes et se concentrent là-dessus», dit cette jeune femme, qui affirme que les homosexuels sont identiques aux hétérosexuels.

Au début, elle avait peur de ce que les gens pouvaient penser de son orientation. Mais depuis, elle a compris qu’elle est le seul maître de sa vie, et que l’important est d’être bien. Elle ne veut pas être autrement et croit que ceux qui ont un problème avec ça n’ont qu’à aller voir ailleurs.

Plus facile d’être lesbienne que gay?

Pour Josée Tremblay, il est plus facile d’être lesbienne que d’être gay, car les hommes doivent sauvegarder leur image d’homme viril. De plus, les hommes acceptent les lesbiennes puisqu’elles les attirent. Les femmes sont aussi plus ouvertes aux confidences de leurs amies à ce sujet.

Stéphane Munger, 20 ans, indique avoir eu énormément de difficulté à accepter son orientation sexuelle, car les préjugés lui font très mal. Il considère que le milieu gay est très difficile, car selon lui la majorité des gays ne veulent qu’une aventure sexuelle. « Les bars et Internet sont surtout propices à des aventures d’un soir », dit-il.

Et ce qui rend le coming out encore plus difficile, croit Stéphane c’est le manque de ressources pour aider les homosexuels en région. « Les homosexuels ont de la difficulté à trouver leur place dans un monde qui véhicule presque exclusivement des messages hétérosexuels, indique-t-il. C’est comme si le reste des gens nous excluaient de la bonne marche de ce monde.»

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