Tous les 6 mois, je passe des tests de dépistage pour les ITSS.  Une manière d’être prudent, responsable et de me rassurer. Entre autres questions, voici les deux qui me reviennent en tête depuis quelques jours, alors que j’attends, je l’avoue avec une certaine anxiété, les résultats de mon dernier test.… Même si on s’est efforcé de réduire au maximum les risques de contamination lors de relations sexuelles, il reste quand même un doute, le petit doute qui change tout et que chacun et chacune, à mon sens, devrait périodiquement s’évertuer à éclaircir, juste pour être sûr que tout va bien, juste au cas où…. Parce qu’on ne sait jamais. Et parce qu’il est responsable de chercher à savoir.

Juste au cas où…. Et pourquoi pas? Que ferais-je si j’apprenais que j’étais séropositif? Quelle serait ma réaction? Aurais-je du support de mon entourage? Sur qui compter ? À qui parler? C’est peut-être une force de reconnaître ses faiblesses. On dit de plus en plus souvent que le meilleur allié du sida, c’est l’indifférence.… L’indifférence transmet le VIH.

Se croire invincible et refuser de voir qu’au fond, nous sommes tous et toutes vulnérables, potentiellement victimes, là me semble résider le pire danger. Simple réflexion. Il suffit d’un rien, une malchance, des circonstances, un brin d’insouciance, pour que le quotidien change. Dans de nombreuses campagnes de publicité, on incite à la prise de responsabilité. Et ce n’est pas un tort. Mais ce que je trouve le plus efficace dans ces campagnes, c’est ce petit plus, ce discret miroir qui nous renvoie notre propre reflet… notre vulnérabilité… et nous rappelle cette probabilité que, un jour, le séropositif, ce soit nous.

L’autre question que je me pose, et je pourrais y apporter encore moins de réponses, est la suivante : serais-je capable d’avoir un partenaire amoureux séropositif? “Dans un couple sérodiscordant, l’amour serait-il plus fort que mes craintes de contracter le VIH ? Il est un très beau témoignage écrit dans la revue Têtu de Juillet Août 1995 (ça remonte à loin!), que j’aimerais retranscrire ici:

“Quand on a commencé à sortir ensemble, il y a deux ans, on a fait chacun un test de dépistage. On voulait absolument savoir.… Mon test était négatif, celui de Philippe positif… Ce fut un choc terrible! Philippe ne savait plus où il en était. Il s’était complètement renfermé sur lui-même, n’osait même plus faire l’amour avec moi… On en a parlé et, petit à petit, on s’est retrouvé…. Aujourd’hui, côté cœur, c’est toujours aussi fort entre nous… Côté sexe, on continue de se protéger, les capotes, c’est fait pour ça…. Chaque fois, on fait gaffe entre nous, comme à l’extérieur. C’est vrai que nous ne sommes pas fidèles à 100% ! Le sexe à moindre risque, c’est efficace : aujourd’hui, je suis toujours négatif. Mais le sexe, ça n’est pas tout. Entre nous, il y a aussi de la tendresse, des projets, des amis et une véritable envie de vivre.… Mon copain, je l’adore et je crois que c’est réciproque. Alors je fais vraiment tout pour qu’il soit heureux et qu’il se sente plus fort pour faire face… Pour Philippe, le suivi médical, c’est important : il sait où il en est. C’est comme ça qu’il a pu commencer un traitement préventif contre la pneumocystose et la toxoplasmose. Aujourd’hui, la science avance. Moi j’ai confiance et lui aussi, alors on garde le moral! ”

Il est impossible de prévoir ce que la vie réserve, le pire comme le meilleur, n’en déplaise à Mme Minou. Je ne crois pas à la chance, ni à la fatalité, ni à la providence ni à la malédiction,… je ne crois qu’au hasard. Il ne sert à rien de prévoir mais s’écouter, entendre et respecter ses limites et ses rêves, se questionner, sans relâche pour, le jour venu, être mieux préparé, ne pas agir par surprise, inconscience ou panique… .Se questionner sur ses limites, pour réagir de façon un peu plus responsable, un peu moins idiotement, lorsque la vie me fait un pied de nez.… Me demander ce que serait ma vie si j’avais le VIH.

Il est des jours où l’on ressent le besoin de se poser ces questions… de voir le VIH en face pour pouvoir apprécier, prudemment, intelligemment, les moments d’extase.

Pour terminer, rappelons-nous que la Journée Mondiale de lutte contre le SIDA approche, un jour marqué par la solidarité, dans l’espoir également que celle-ci devienne quotidienne.

Parce que rien ne nous sépare de ceux et celles qui sont atteints du VIH, même pas le futur, même pas la providence, je ne dirai plus que cela : Solidarité et Responsabilité.

David Bertet
Jeunesse Lambda / AlterHéros