Petite fille parfaite dans une famille parfaite... qui aurait bien pu se douter

« Regardez-la! Elle est tellement mignonne avec ses petits amis gars! » Déjà à cet âge, on m’inculquait des valeurs dites hétérosexuelles… la chasse aux p’tits gars! Alors que moi, tout ce que je voulais, c’était jouer au ballon chasseur ou au baseball plutôt que de jouer à la corde à danser ou à la poupée.

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PRIMAIRE : « Regardez-la! Elle est tellement mignonne avec ses petits amis gars! » Déjà à cet âge, on m’inculquait des valeurs dites hétérosexuelles… la chasse aux p’tits gars! Alors que moi, tout ce que je voulais, c’était jouer au ballon chasseur ou au baseball plutôt que de jouer à la corde à danser ou à la poupée. Déjà là, je commençais à subir les commentaires pathétiques des mon’oncs, ma’tantes, grands-parents, etc. du genre : « Pi, les ti-gars? » Sous cette continuelle pression, difficile de ne pas plier! Je me suis donc mise à la recherche du petit prince charmant… sans trop de succès. Mais ce n’est pas grave, mieux vaut attendre le bon… après tout, je suis encore jeune!

SECONDAIRE : « WOW! Elle réussit vraiment bien! Bonnes notes, joueuse de basket assidue, impliquée dans la vie étudiante… normal qu’elle n’ait pas le temps pour les garçons! » En effet, je ne m’y attardais pas trop. Mais encore là, c’était tellement écrit dans le ciel et gravé dans ma tête que je devais être hétérosexuelle que je m’efforçais une fois de temps en temps, et sans trop de conviction, pour passer un commentaire sur tel gars ou tel acteur comme quoi il était supposément séduisant… il fallait bien entretenir mon image stéréotypée d’hétéro! Pendant ce temps, les clichés retentissaient de plus bel : « Pi, c’est pour quand que tu nous amènes un gars à Noël? » », « Envoye! Dis-nous le donc que t’as un chum! », « Virginie! téléphone! c’est un gars!… ouin, tu ne nous avais pas dis ça! » À chaque fois, je me contentais de rire jaune sans trop me préoccuper de ces commentaires des plus merdiques. Encore là, être aux femmes n’était même pas une option, je n’avais simplement pas encore trouvé un gars qui me convienne…

Jusqu’à ce que je rencontre mon actuelle meilleure amie à la fin de mon 5e secondaire! « C’est étrange, j’ai l’impression que ce que je ressens pour elle, c’est plus que de la simple amitié…» Bien sûr, à cette époque, il n’était pas question de penser aussi directement à la possibilité que je sois amoureuse de ma meilleure amie. Cependant, je savais pourtant trop bien au plus profond de moi-même que quelque chose clochait. Toutes ces pensées n’étaient qu’un vague reflet à peine perceptible par mon esprit, et si jamais elles osaient faire surface, je m’empressais de les renvoyer d’où elles venaient sans ne jamais avoir le courage de les affronter… je les enfouissais au plus profond de moi-même où elles bouillonnaient comme un volcan en attente, prêt à éclater d’un instant à l’autre. Le temps a donc passé, je me suis finalement contentée du statut de meilleure amie.

C’est seulement un an plus tard que j’ai inévitablement été confrontée à la réalité… une de mes amies me déclare son amour! Certes, j’ai d’abord tenté d’y résister… tenté de me mentir en restant fidèle au moule hétérosexuel préétablit auquel je me devais d’adhérer. Cependant, après une semaine de malaises et de tourments insupportables, j’ai finalement cédé… et ce qui devait arriver arriva. Toutes les barrières se sont effondrées en un baiser. À partir de ce moment, j’ai compris bien des choses! Ce fut comme si, du jour au lendemain, j’avais ouvert mes yeux qui étaient fermés depuis si longtemps… fermés par le milieu dans lequel j’ai grandi, milieu bien trop « parfait » et fermé pour qu’on y parle concrètement de l’homosexualité. Bien sûr, on s’y fait à croire qu’on est ouvert d’esprit en en parlant superficiellement, mais jamais plus… l’homosexualité y est traitée comme un phénomène lointain et mystérieux qui ne nous touche pas.

De ce fait, ma mère a d’abord essayé de se convaincre qu’elle m’acceptait ainsi. Cependant, elle s’est aperçue que ce n’était pas si simple et qu’elle était bien moins ouverte d’esprit qu’elle ne le croyait! En effet, alors que je lui ai annoncé ma relation avec celle qu’elle croyait simplement mon amie, elle a plutôt bien réagit… c’est par la suite que le malaise s’est clairement fait sentir. Pour moi, ce malaise n’avait aucunement sa raison d’être… j’étais toujours la même! J’ai donc fait de mon mieux pour lui faire comprendre que rien n’avait changé et que j’étais toujours la Virginie qu’elle avait connue au cours des 18 dernières années. En fait, je ne voyais tellement pas de problème que je m’attendais à la même intensité de réaction que si je lui avais annoncé qu’il n’y avait plus de lait dans le frigo! Sans doute vous direz-vous : « Elle était donc bien naïve! » À ça, je réponds : « Peut-être! Mais c’est cette attitude qui m’a permise d’être à l’aise avec moi-même et avec les autres en ce qui concerne mon orientation sexuelle. » Je me disais, me dis, et me dirai toujours, que c’est en étant à l’aise avec ce que l’on est réellement que l’on peut ensuite rendre les autres à l’aise avec nous-même.

Souvent, il m’arrive de penser à ce que je serais aujourd’hui, soit un an plus tard, sans cette déclaration d’amour. Malgré le fait que notre relation ait tourné au vinaigre, je dois reconnaître que je dois beaucoup à celle qui m’a permis d’ouvrir les yeux. En fait, sans elle, je serais probablement encore en train de me mentir en m’entêtant à chercher un homme de mon goût… et croyez-moi, j’aurais cherché longtemps!

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