Mon enfant se dit se sentir ni comme une fille, ni comme un garçon. Comment puis-je guider mon enfant sur ses questionnements concernant son genre?

Bonjour, je suis la maman d’une fille de 12 ans. Depuis 2 ans elle a commencé à ce masculiniser, elle s’habille plus comme un garçon, a les cheveux courts, elle ne veut pas porter de maillot de bain féminin, etc. Son corps commence à changer et refuse de porter des brassières. Elle a toujours été un rayon de soleil et depuis quelques semaines, elle s’isole et est dépressive. Elle m’a dit qu’elle ne se considérait ni comme une fille ou un garçon. J’aimerais pouvoir la guider, mais je ne sais pas quoi lui dire. Je ne veux pas faire d’intervention ou elle pense que c’est mal ou anormal.
Merci

Marie-Eve

Séré

Bonjour Marie-Eve,

 

Merci de faire confiance à AlterHéros avec votre question. Ça me fait toujours chaud au cœur de voir des parents d’enfants trans, non-binaires ou en questionnement chercher à s’outiller pour mieux accompagner leur jeune.

Je me reconnais beaucoup dans ce que vous décrivez de votre enfant. Moi aussi j’étais un enfant très heureux, et puis soudainement quand j’ai commencé ma puberté je me suis mis à m’isoler et à ne plus m’intéresser à quoi que ce soit. À l’époque, je ne savais pas mettre des mots sur ce qui m’arrivait et j’ai passé tout mon secondaire dans cet état d’esprit, à me demander pourquoi je ne me sentais pas comme les autres filles. C’est enfin au Cégep que j’ai pu rencontrer d’autres personnes comme moi, ce qui m’a permis de comprendre que j’étais non-binaire. J’ai alors changé du tout au tout! Je comprenais finalement ce qui se passait avec moi et cette compréhension m’a permis de m’épanouir.

Donc, comment pouvez-vous aider votre enfant à s’épanouir aussi?

Le principal élément qui m’a permis de comprendre et accepter que j’étais non-binaire, puis de m’épanouir dans cette identité, a été de réaliser que je n’étais pas seul à ne pas m’identifier comme fille ou garçon. C’est déjà une bonne première étape que votre enfant ait pu mettre des mots sur ce qu’elle ressent, mais il est très probable qu’elle se sente très seule. Malgré qu’il y ait de plus en plus de visibilité trans dans les médias, les vécus non-binaires sont souvent passés sous silence. On entend très rarement parler de personnes qui ne sont ni des garçons ni des filles et qui sont bien ainsi!

Heureusement, il existe de plus en plus outils pour vous aider à normaliser cette identité auprès de votre enfant. Je vous recommande fortement la série de romans Ciel, de Sophie Labelle. Ces romans jeunesse racontent l’histoire d’une adolescente non-binaire qui fait son entrée au secondaire et qui explore son identité de genre tout en vivant des péripéties typiques de l’adolescence. C’est une histoire très positive qui met en lumière plusieurs enjeux que vivent les jeunes trans et non-binaires lorsqu’iels entrent dans l’adolescence. Offrir ce roman à votre enfant pourrait vous permettre d’ouvrir la discussion avec elle, de la rassurer sur votre ouverture d’esprit et de lui faire réaliser qu’elle n’est pas seule.

Le plus important est de la laisser explorer son identité et de suivre son rythme. Vous mentionnez que son corps commence à changer et qu’elle refuse de porter des brassières. Connaissez-vous le binder? Il s’agit d’une sorte de camisole qui sert à camoufler sécuritairement la poitrine des personnes qui ne sont pas à l’aise avec celle-ci. Si votre enfant désire comprimer sa poitrine, il se peut qu’elle essaie des méthodes non sécuritaires de le faire, comme des bandages ou même du ruban adhésif, qui pourraient lui occasionner des blessures à la cage thoracique. Il est donc nécessaire de voir avec elle si c’est quelque chose dont elle a besoin. Pour plus d’information, je vous invite à consulter cette réponse de mon collègue Guillaume sur le sujet.

Le binder peut être un outil lui permettant de calmer le malaise qu’elle a avec son corps, mais ce n’est pas une solution à long terme. À mesure que sa puberté progresse, elle risque de vivre de plus en plus de détresse par rapport à son corps. C’est ce qui arrive à beaucoup de jeunes trans, non-binaires ou en questionnement lorsqu’iels entrent dans l’adolescence. Pour lui éviter de devoir gérer à la fois ses questionnements par rapport à son identité et son corps qui change, il est possible de recourir à des bloqueurs de puberté. Il s’agit d’une solution temporaire, réversible et sécuritaire qui permet aux jeunes trans, non-binaires et en questionnement d’apprendre à mieux se connaître avant de devoir prendre une décision irréversible, soit celle de continuer leur puberté naturelle ou d’entreprendre une hormonothérapie. C’est comme un bouton « pause » qui vient donner un moment de répit au milieu de ce tourbillon d’émotions et de questionnements. Que pensez-vous d’aborder le sujet avec elle pour voir ce qu’elle en pense?

Si vous avez un médecin de famille, il ou elle est normalement en mesure de prescrire des bloqueurs de puberté. S’iel n’est pas à l’aise de le faire, iel est dans l’obligation de vous référer à un.e endocrinologue qui pourra le faire. Si vous n’avez pas de médecin de famille, vous pouvez aller dans une clinique sans rendez-vous pour obtenir une référence vers un.e endocrinologue pédiatrique. Il existe aussi des cliniques spécialisées comme le Centre de santé Meraki et la clinique Diversité de genre du CHU Ste-Justine qui ont des équipes multidisciplinaires qui évaluent et offrent un suivi aux enfants et ados créatifs dans le genre. Malheureusement, ces cliniques ont des listes d’attente assez longues.

Il est aussi possible de consulter un.e sexologue ou un.e psychologue au privé pour vous aider à faire face à ces questionnements, si vous en avez les moyens. Si ça vous semble être une avenue intéressante, je vous suggère de consulter la Liste des professionnel.le.s transaffirmatif.ve.s du Québec. Vous pourrez y trouver un.e professionnel.le dans votre région qui voit les adolescent.e.s qui sont en questionnement par rapport à leur identité de genre. Consulter un.e professionnel.le de la santé mentale est une option qui peut aider votre enfant, mais ce n’est pas une démarche qui est nécessaire si elle n’en a pas envie.

Par ailleurs, il y a plusieurs organismes qui offrent du soutien aux parents d’enfants trans, non-binaires et en questionnement. Il y a Enfants transgenres Canada qui offre des groupes de support virtuel hebdomadaires pour les parents ainsi que diverses formes de soutien. Pour vous inscrire au groupe de support ou obtenir de l’aide individuelle, vous pouvez les contacter au services@enfantstransgenres.ca. L’organisme a également un groupe Facebook secret pour les parents qui souhaitent échanger entre eux par rapport à leur vécu.

Si vous n’êtes pas trop loin de l’Estrie et que vous préférez des rencontres en personne, il y a l’organisme TransEstrie qui offre un groupe de soutien pour proches de personnes trans un lundi sur deux en présentiel. Ces différents groupes de support vous permettraient d’échanger avec d’autres personnes qui vivent une situation similaire et d’obtenir des conseils sur la façon d’intervenir auprès de votre enfant.

En Montérégie, il y a l’organisme JAG, qui offre des activités aux jeunes de la diversité sexuelle et de genre, dont des rencontres virtuelles hebdomadaires. Si c’est quelque chose qui pourrait intéresser votre enfant, vous pouvez les contacter au jessica.grenon@lejag.org pour savoir si ces rencontres sont ouvertes aux jeunes de 12 ans.

Finalement voici deux lectures que je vous recommande par rapport à la transitude chez les enfants et les adolescent.e.s :

J’espère que ma réponse vous aide à envisager des façons de discuter de transitude et de non-binarité avec votre enfant, et de l’accompagner dans l’exploration de son genre. Je vous invite à nous recontacter si vous avez d’autres questions. Ce sera toujours un plaisir pour nous de vous répondre!

Bonne chance et bon courage,

 

Séré, intervenant pour AlterHéros.

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