Bonjour Kacimo, et merci de faire confiance à AlterHéros!
Cela ne doit pas être facile de vous confier à propos de cette situation, surtout si c’est la première fois que vous en parlez! Mais c’est très bien que vous l’ayez fait, nous allons pouvoir essayer de trouver ensemble des solutions à ce que vous vivez !
Si je comprends bien, vous aimez énormément vous travestir en femme et cela vous procure même une certaine excitation sexuelle, que de penser avoir des relations sexuelles avec une autre personne travestie de sexe masculin. Ne vous en faites pas, cela est tout à fait normal et il n’est pas rare pour nous de recevoir questions à ce sujet!
Tout d’abord, pour bien décortiquer votre « problème », il est important de différencier « identité sexuelle » et « orientation sexuelle », qui sont deux éléments que vous abordez dans votre question. L’ « identité sexuelle » renvoie au fait de se sentir homme, ou femme. Certaines personnes se travestissent pour le plaisir, et se sentent parfaitement en accord avec leur sexe biologique (aucun trouble de l’identité sexuelle). Pour certaines autres, cela leur procure une certaine excitation sexuelle de porter des vêtements ou attributs du sexe opposé – d’ailleurs, les personnes de cette catégorie cumulent souvent travestisme et activités auto-érotiques (masturbation). D’autres personnes, encore, s’habillent avec les vêtements du sexe opposé, car elles ne se sentent pas en adéquation avec leur sexe biologique et social : en s’habillant dans les vêtements du sexe opposé, elles ont donc l’impression d’y appartenir, et cela leur procure un réel bien être, car il n’y a que comme cela que ces personnes se sentent en adéquation avec elles-mêmes : ceci décrit un trouble de l’identité sexuelle, qui souvent mène au transsexualisme et à une éventuelle « transition sexuelle ».  Y aurait-il une partie, ou plusieurs parties de cet énoncé, dans lesquels vous vous retrouvez davantage?
Je comprendrais que tout cela puisse vous paraitre étrange, mais sachez qu’ici à Montréal, étant donné qu’il subsiste beaucoup moins de tabous en lien avec la sexualité, énormément de personnes s’affirment dans leur propre perception de leur sexualité : personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, travesties, transgenres ou transsexuelles: il existe même à Montréal une association permettant aux travesties et transsexuels de se retrouver pour discuter de leur situation, et échanger leurs points de vue sur un certain nombre de sujets (le nom de cette association est l’ASTTeQ – Action santé travestis et transsexuels du Québec).
De plus, pour vous faire une idée juste de la situation, voici une petite statistique issue d’une étude réalisée au Royaume-Uni, dans laquelle il est établi qu’il existe environ 1 personne travestie (toutes raisons confondues) pour 50 personnes. Autant vous dire que ce type de situation est donc assez courant !
Bref, si le fait de vous travestir vous procure plaisir, satisfaction, et ne dérange personne, je ne vois pas bien comment cela pourrait être un «problème»… Parfois les idées religieuses ou la culture d’un pays peuvent diaboliser certaines pratiques, possiblement c’est ce que vous vivez en Algérie, ce qui est tout de même assez dommage… La sexualité est une parcelle intime  et personnelle, et personne ne devrait avoir le droit de donner des directives en lien avec la sexualité, ou de juger, si oui ou non telles pratiques sont acceptables ou non. Car, encore une fois, si cela vous procure du plaisir et ne dérange personne (vous y compris), je ne vois vraiment pas quel pourrait être le problème !
Maintenant, concentrons-nous sur le deuxième élément de votre réponse : l’orientation sexuelle. C’est « le fait de ressentir de l’attirance émotionnelle et sexuelle pour des personnes du même sexe (homosexualité), du sexe opposé (hétérosexualité), ou des deux sexes (bisexualité) ». Si je comprends bien votre situation, vous avouez ressentir l’envie, quelque fois, qu’un autre travesti vous fasse l’amour. Il n’y a rien de mal à ça. Il est important de dissocier « fantasme » et « action réelle », et de ne pas avoir honte de son imaginaire érotique : le fait qu’il fasse appel à des images variées est plutôt un signe de bonne santé sexuelle, et le fait que vous pensiez à des hommes travestis, même dans une perspective sexuelle, ne fait pas non plus de vous un homosexuel pour autant, même s’il n’y a absolument aucun mal à l’être !!
Maintenant, essayons d’analyser votre problème en profondeur : quel est l’élément qui vous dérange le plus dans la situation que vous décrivez? Est-ce le fait d’avoir de telles pratiques/fantasmes? Est-ce le fait d’avoir de telles pratiques/fantasmes alors que vous êtes marié?  Ou peut-être le fait que vos fantasmes se dirigent davantage vers des hommes? Ou bien que ces hommes soient travestis?
Quelles que soient les réponses à ces questions, sachez que cela est tout à fait compréhensible : mais rappelez-vous, encore une fois, qu’au-delà du fait que vous soyez marié, vous avez tout à fait le droit d’entretenir les fantasmes que vous souhaitez, car c’est votre jardin secret et vous n’avez pas à culpabiliser de ce qui s’y passe, tant que cela reste sain (par « malsain », je pense par exemple  à un imaginaire érotique mettant en scène des enfants ou des animaux non consentants). Par contre, si vous trouvez difficile de garder ces fantasmes pour vous, car vous culpabilisez ou vous sentez mal par rapport à ça, vous pourriez toujours en parler à quelqu’un : à un ami, un collègue, à votre famille, ou même à votre femme? Quoi qu’il en soit, une personne auprès de qui vous pourrez trouver réconfort et tolérance. Je pense qu’il est plus difficile d’aborder ces sujets-là en Algérie, car tout ce qui touche à l’orientation sexuelle et à l’identité sexuelle reste assez tabou. L’important est de trouver quelqu’un en qui vous pourrez avoir totalement confiance, et avec qui vous ne vous sentirez pas jugé. Il existe également des forums sur Internet, sur lesquels se retrouvent les personnes LGBT africaines (lesbiennes, gays, bi, trans), car elles sont dans l’impossibilité de parler de leur situation dans leur environnement proche. Le fait de parler par le biais d’Internet permet donc de garder son anonymat et de pouvoir partager son expérience : en cherchant, je suis sure que vous finirez même par trouver des personnes de votre ville ou de votre pays qui vivent la même situation que vous. En voici un, pour commencer : http://www.mask.org.za/category/btm-en-francais/
De plus, voici quelques questions similaires ayant déjà été postées sur le site, au sujet du travestisme, et leurs réponses : peut-être que les consulter pourrait vous apporter davantage d’éléments de réflexion:
– https://alterheros.com/experts/2011/11/jaime-enormement-mhabiller-en-femme/
– https://alterheros.com/experts/2006/01/comment-faire-comprendre-aux-autres-que-je-me-sens-bien-lorsque-je-suis-travesti/
– https://alterheros.com/experts/2005/12/lorsquon-est-travesti-peut-on-sarreter/
 
Bref, à mon sens, l’ensemble de votre situation n’est pas réellement problématique. C’est peut-être davantage le contexte religieux et politique de votre pays, qui pourrait rendre l’acceptation de votre situation difficile, pour vous-même, votre famille ou vos proches.
Le moment où la situation pourrait devenir problématique également, c’est si vous décidez un jour que vos fantasmes ne  suffisent plus, et que vous ressentez alors le besoin de passer à l’acte et d’avoir une relation sexuelle avec un homme travesti (ou non travesti) – là, le fait que vous soyez marié pourrait devenir un problème, surtout si vous avez basé votre mariage sur la confiance réciproque, la fidélité, et l’exclusivité sexuelle. Si ce moment arrive un jour, il sera important de considérer ces éléments pour que vous et votre femme puissiez discuter de la situation, afin de pouvoir maintenir un climat de confiance au sein de votre couple et de votre famille. Votre femme pourrait être fermement contre l’idée que vous rencontriez d’autres hommes, tout comme elle pourrait accepter que vous viviez certaines expériences de votre côté, sans vous en tenir rigueur : il est toujours difficile de prévoir la réaction d’une personne, mais parfois cela peut s’avérer surprenant!
Mais rappelez-vous que dans les pays où il existe peu de tabous en rapport avec la sexualité, il existe beaucoup de personnes, travesties ET heureuses, et ce, qu’importe leur orientation sexuelle: une bonne partie de ces personnes sont d’ailleurs d’un âge assez avancé et ont, tout comme vous, une famille et des enfants. L’équilibre est donc possible (cependant, vos enfants n’ont pas à connaître les détails de votre vie intime), le tout est d’être en adéquation avec vous-même, et d’être à l’aise avec vos pratiques sexuelles.
Mais encore une fois, si vous pouviez en parler à quelqu’un, je suis sure que cela pourrait vous aider à accepter et à relativiser votre situation : bien sûr, il faut faire attention lors du choix de votre confident(e), pour que vous puissiez être sûr que les retombées soient positives, et que cette personne soit prête à entendre ce que vous avez à lui dire, et à l’accepter, sans vous juger, et ce, même si elle ne comprend pas vraiment votre situation.
J’espère que ces quelques mots ont pu vous aider. Si jamais de nouveaux éléments surgissent, ou que d’autres questions font leur apparition suite à cette réponse, n’hésitez surtout pas à nous réécrire, nous vous répondrons à nouveau avec grand plaisir!
Marion Téjédor, stagiaire chez AlterHéros