J'ai plusieurs questions concernant l'ouverture dans un couple, l'identité de genre et ma relation avec mes seins suite à des agressions sexuelles.
[Avertissement / Trigger Warning : Cette question/réponse traite d’un sujet pouvant déclencher des émotions fortes. Celle-ci aborde le sujet d’agression sexuelle, n’hésitez pas à nous écrire.]
Bonjour!
Je vous écris pour éclairer plusieurs questionnements que j’ai ces temps-ci. Cela fait 2 ans que je suis en couple avec un homme, donc en relation hétérosexuelle. Nous habitons ensemble depuis 8 mois et notre relation s’est majoritairement formée en pleine pandémie. Nous étions donc toujours ensemble pour éviter de propager le virus à nos proches. Jusqu’à maintenant, tout se déroule bien, mais je ne peux pas m’empêcher de ressentir le besoin de former de nouvelles connections intimes avec plus de gens. Avant cette relation-ci, j’ai été deux ans célibataire et avant cela j’étais en couple ouvert. C’est la formation amoureuse qui m’a le plus fait grandir et dans laquelle je me sentais le plus libre, car il y avait beaucoup de communication et de place à la créativité. Malheureusement, mon partenaire actuel, bien que je l’aime de tout mon coeur, est disons très straight (blanc,cis,aisé). Il vient d’un milieu très conservateur où tout le monde a un parcours de vie qui ressemble au jeu « Life ». Mon parcours de vie ressemble plutôt à un épisode de Degrassi. J’aimerais avoir des conseils sur comment ouvrir une discussion avec lui sur l’ouverture dans un couple, afin de reconnecter avec la partie de moi qui est plus aventureuse.
Mon deuxième questionnement vient de mon identité de genre. J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur la question, dont le classique « Trouble dans le genre » de Butler et ait une solide base en théorie féministe. Je suis donc, je crois, bien informée sur la question. Je ne suis cependant pas certaine de savoir comment m’identifier. J’ai un style plutôt féminin, mais j’aime aussi avoir l’air plus androgyne. Je ne me suis jamais sentie 100% femme et ni 100% homme. Pour moi, ce ne sont que des constructions sociales. Je perçois également mon corps de femme comme une sorte de prison, car il me rend sujette à plus de discrimination en société. Mes amis de gars me perçoivent comme l’un des leur, car j’emprunte leurs codes d’expression depuis longtemps. Je me rappelle d’avoir pensé à un très jeune âge: « c’est plus facile d’être un garçon, agit comme eux ». J’aimais les activités qu’on associait aux hommes, alors c’était plus facile de me joindre au « boys club ». Si tu veux jouer aux jeux vidéos, kicker des ballons ou prendre une bière, appelle ton bon chum Mel. Mes interactions avec les femmes, elles, étaient plus difficiles. J’ai toujours eu de la difficulté à exprimer mes émotions. L’émotivité c’est pour les femmes. Et j’étais mieux que ça. C’est ce que je pensais avant. Maintenant, j’ai déconstruit mon antiféminisme internalisé et mon rapport avec les hommes et avec les femmes est sain. La seule chose malsaine, c’est que je ne sais pas comment vivre mon identité (agenre peut-être ?) en dehors du cadre sociétal actuel. Je ne ressens pas le besoin de me faire appeler iel, mais j’aimerais ne pas être automatiquement associé à « femme ». Je ne sais pas si vous pouvez m’aider à démystifier tout ça. Plusieurs personnes de mon entourage me demandent: »Ça change quoi? ». Et sincèrement, je ne sais pas quoi leur répondre, hormis que je me sentirais plus moi-même si je savais comment exprimer mon genre.
Dernière question. J’ai subi 3 agressions sexuelles dans ma vie. Dont deux cette année. Depuis celles de cette année, je n’aime plus mes seins. Ils sont le symbole de ma vulnérabilité. Je rejette ma culpabilité sur eux. Sans eux, mon corps n’aurait pas été touché par des inconnus. Ils ne sont même pas proéminents (j’ai un corps mince et petit), mais ils me dégoûtent quand même. Je ne sais pas quoi faire pour les trouver beaux à nouveau.
Merci.
Bonjour à toi!
Je te remercie de la confiance que tu nous apporte, je vais faire mon possible pour t’aider de la manière la plus claire possible!
Donc, pour résumer, ta situation se divise en trois parties. Premièrement, tu te demandes comment aborder l’idée d’une relation ouverte avec ton partenaire qui vient d’un milieu plutôt conservateur. Ensuite, tu te poses des questions sur ton genre, en ne t’étant jamais sentie 100% homme ou 100% femme. Tu aimerais ne pas être automatiquement associée au genre féminin et tu aurais donc besoin d’aide pour démystifier cela. Finalement, tu aimerais aussi pouvoir apprécier tes seins à nouveau, ce qui est difficile en ce moment, car tu les relies des agressions sexuelles vécues à ces derniers. Ils sont pour toi symbole de vulnérabilité.
Alors, pour ce qui est d’aborder l’ouverture dans un couple, donc la non-monogamie éthique, il est certain qu’il n’y a pas de moyens magiques, puisque nous ne pouvons pas savoir d’avance comment réagirait notre partenaire, mais il y a certainement des trucs pour l’aborder d’une manière douce et bienveillante. Premièrement, qu’est-ce que c’est la non-monogamie éthique? Selon ce blog sur le polyamour, c’ «est un type de relation inter-personnelle consensuelle qui ne relève pas du couple exclusif». Ça veut donc dire que la configuration relationnelle des partenaires est décidée de manière mutuelle et consentante. Il existe de multiples types de non-monogamie éthique! C’est à chaque personne de définir comment elle est mise en place et comment elle fonctionne dans leur·s relation·s.
Je me demandais d’abord, ton partenaire est-il au courant de tes relations précédentes? Sait-il que tu as une préférence pour les relations ouvertes? Êtes-vous à l’aise de parler de ce genre de choses? Ou de parler de sexualité? Par exemple, je suis moi-même polyamoureuse et, lorsque je rencontre une nouvelle personne, je lui mentionne cela très tôt. Comme ça, c’est plus facile de revenir sur le sujet plus tard dans la relation 🙂 S’il n’est pas au courant, tu pourrais possiblement commencer par lui en parler? Ça pourrait possiblement lui faire comprendre que sa propre personne et la qualité de votre relation n’est pas un facteur négatif influençant l’idée d’ouvrir votre couple, qu’un couple non-monogame est tout aussi valide et est égal à toute relation monogame! Tu pourrais aussi, avant d’introduire la question d’ouverture dans votre couple, lui poser des questions sur ce que lui aimerait faire? Aimerait-il explorer sa sexualité par de nouvelles expériences? Comment se voit-il présentement dans votre relation? Qu’aimerait-il faire, dans le cadre de votre couple ou à l’extérieur? Bref, toute conversation sur ce que vous aimeriez explorer toustes les deux pourrait introduire d’une manière douce l’idée d’ouverture! Ensuite, il faut tout de même que vous vous entendiez sur vos besoins et vos propres limites pour que, comme mentionné plus haut, la décision d’ouverture repose sur un choix consenti. Si jamais vous décidez d’ouvrir votre couple, serait-ce seulement pour des relations sexuelles, serait-ce du polyamour? Votre couple serait-il considéré comme principal ou considéreriez-vous chaque partenaire comme égal·e? En bref, je t’invite à questionner ton partenaire sur ses envies et ses limites, tu auras ainsi une meilleure idée de son ouverture face à la non-monogamie 🙂
Si jamais tu veux explorer encore plus, je te laisse des réponses de notre site sur le thème de la non-monogamie éthique:
- J’ai envie d’introduire la non-monogamie éthique dans ma relation.
- Je voudrais savoir si je suis bisexuelle et polyamoureuse…
- Avez-vous des trucs pour vivre une transition de couple fermé à couple ouvert?
Pour ce qui est de ta deuxième question, je crois que je ne t’apprends rien en te disant que certains comportements ou styles sont « traditionnellement reliés à un certain genre », mais il est totalement possible de sortir de ces stéréotypes ou de ces normes sans toutefois que ça remette en question notre identité de genre. L’expression de genre et l’identité de genre sont en effet deux choses séparées. L’expression de genre, c’est notre style vestimentaire, notre manière d’agir, notre coupe de cheveux, etc. L’identité de genre, c’est plutôt comment tu te sens à l’intérieur. Ton ressenti face au fait d’être femme, homme, les deux, aucun des deux ou n’importe où dans le spectre du genre. Tu mentionnes donc ne jamais t’être sentie 100% femme ou 100% homme et tu as bien raison en disant que ce sont des constructions sociales! Il y a aussi bien plus de genres que homme ou femme, ce serait donc à toi d’explorer le genre qui te représente le plus, avec lequel tu te sens le plus confortable. Par ton style que tu décris comme androgyne et tes comportements « typiquement masculins», il est possible que ton expression de genre soit autre que dans la binarité. En fait, être androgyne est une expression de genre! Ce que je perçois dans ce que tu mentionnes, ce serait une possibilité d’explorer le spectre de la non-binarité. Je ne peux pas dire à ta place quelle est ton identité de genre, c’est seulement toi qui peut y mettre les mots que tu souhaites. Tu mentionnes être peut-être agenre. Si c’est le terme auquel tu t’identifies le plus, c’est possiblement celui pour lequel la définition te représente le plus! Si jamais ce n’est pas le cas, il y a bien d’autres termes à explorer, tu pourrais aller lire sur les identités genderfluid ou genderqueer! En effet, ça peut aider à mieux se comprendre et mieux de connaître soi-même lorsque nous trouvons un terme pour nous définir (attention, je ne dis pas ici que c’est une nécessité, certaines personnes vivent très bien en étant en questionnement), donc je te comprends absolument de te sentir ainsi et ça peut être frustrant lorsque les personnes de notre entourage nous demandent de nous justifier! Finalement, si ton identité de genre est autre que femme, donc par exemple, si tu es agenre, il n’y a pas de règles qui obligent à ce que tu utilises le pronom « iel ». Tu peux très bien être agenre et avoir le pronom « elle ». Cela ne diminue en aucun cas la validité de ton identité de genre 🙂
Finalement, pour ta troisième question, je ne te cacherais pas que la meilleure solution serait d’en parler avec un·e professionnel·le. As-tu déjà considéré de faire un suivi en psychologie ou en sexologie? Ça pourrait t’aider, te faire partager ton ressenti face à ce que tu as vécu, t’aider à te réapproprier ton corps. Je tiens tout de même à te dire que rien de ce qui t’es arrivé n’est de ta faute. Ce n’est pas la faute de tes seins s’ils ont été touchés. La faute est entièrement sur les personnes qui t’on agressé! J’espère que tu vas bien aujourd’hui et n’hésites pas à aller chercher l’aide dont tu as besoin. Au besoin, je t’invite à contacter les CALACS Trêve pour elles, Interligne ou le Sexual Assault Centre of the McGill Student’s Society.
Sinon, un petit truc que je peux te donner, sans toutefois que tu ne sois dans l’obligation de le faire, car je ne voudrais en aucun cas faire ressortir des pensées négatives ou des traumas, serait de normaliser tes seins avec ton propre regard et ton propre toucher. Ce que je veux dire par là, c’est que toutes les parties de ton corps t’appartiennent. Tu as donc le droit de les regarder, de les toucher comme tu veux et même leur donner des compliments! Tu pourrais intégrer tranquillement le toucher de tes seins lors de la masturbation, pour possiblement y relier des sensations de plaisir provenant de toi-même.
Voilà pour ma réponse, j’espère qu’elle pourra te servir. N’hésite pas à nous recontacter si tu as d’autres questions!
Émilie (elle/she), pour AlterHéros