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28 mars 2024

J'ai l'impression de devoir cacher ma bisexualité à mes collègues de travail. Que faire?

Bonjour,
Voilà je suis une femme âgée de 24 ans, j’ai fais mon coming out il y a presque 1 an sur ma bi-sexualité (même si je me pose encore des questions sur ma bu-sexualité ou non) et je suis en couple avec une femme.
Concernant mon boulot je fais attention à ce que je dis concernant ma relation car dans la société actuelle il n’est pas toujours facile d’être « accepté » sachant que je travaille avec des enfants. Mais en même temps le « cacher » à mes collègues n’est pas une solution non plus pour que je puisse m’épanouir entièrement dans ma profession sans devoir toujours faire attention à ce que je dis.
Que me conseillez-vous pour mon travail? Et comment me poser les bonnes questions sur ma bi-sexualité ou non ?
Deuxième question:
Je m’intéresse- m’interroge de plus en plus sur la transidentité- transgenre et je souhaiterais rencontrer des personnes avec qui je pourrais parler librement, lui poser des questions sur tout cela. Comment est-ce possible ?
Bien à vous.
Meggy
 

Marianne

Bonjour Meggy,
 
C’est un réel plaisir de te répondre aujourd’hui! Une belle sensibilité et une grande capacité de réflexion se dégagent des quelques lignes que tu nous as écrites. Je te remercie sincèrement pour ton message, merci également de nous faire confiance en te tournant vers nous.  
 
Tu abordes deux thématiques principales. Premièrement, tu mentionnes t’identifier comme une femme bisexuelle, avoir des doutes quant à ton orientation romantique/sexuelle et t’interroger sur le fait de révéler ou non certaines informations (orientation, personne avec qui tu es en couple, etc.) aux gens que tu côtoies dans ton milieu de travail. Deuxièmement, tu dis réfléchir de plus en plus à divers enjeux trans. Tu te demandes notamment comment en discuter ouvertement avec des personnes qui connaissent bien le sujet.
 
Essayons de démêler tout ceci ensemble. Ma réponse sera plutôt longue, j’espère que cela te conviendra et que tu pourras y trouver ton compte. 
 
 

  • a) Comment me poser les bonnes questions sur mon orientation romantique/sexuelle? 

 
Tu t’en doutes sûrement, je ne suis pas en mesure de définir ton orientation ou de te fournir une liste exhaustive des « bonnes » ou des « mauvaises » questions à se poser. Ce sera toujours toi la mieux placée pour te nommer et te définir, personne ne peut le faire à ta place. Personne ne te connaît aussi bien que toi-même. Je t’invite donc à rester attentive à tes propres impressions, tes propres réflexions, tes propres limites, tes propres sentiments et ton propre parcours. Ils sont valides et te fourniront des indices pour prendre les meilleures décisions pour toi. 
 
Ceci étant dit, je peux quand même te suggérer certaines pistes de réflexion🙂. Avant tout, j’aimerais insister sur le fait que c’est courant et sain de s’interroger sur son identité, son orientation, ses relations, ce qu’on choisit de partager ou non avec les autres. C’est un processus normal qui nous permet de mieux nous connaître. D’ailleurs, ces questionnements peuvent survenir à n’importe quel âge ou n’importe quelle période de notre vie et sont d’autant plus fréquents lorsqu’on doit faire face à des préjugés défavorables.
 
Quelles sont tes interrogations ces temps-ci (outre celles à propos de ton milieu de travail, j’y viendrai un peu plus bas)? Quels sont les doutes que tu évoques?  Concernent-ils ta relation avec ta copine, l’étiquette « bisexuelle », la communauté LGBTQ+, les préjugés auxquels tu pourrais être confrontée, etc.? Tu peux nous écrire à nouveau si tu souhaites explorer plus en profondeur certains sujets avec nous. N’hésite pas, nous sommes là pour ça. 
 
Pour résumer simplement, être bisexuel.le, c’est avoir le potentiel d’être attiré.e amoureusement, physiquement et/ou sexuellement par certaines personnes qui ont le(s) même(s) genre(s) que nous ainsi que par certaines personnes qui n’ont pas le(s) même(s) genre(s) que nous. 
 
Les orientations sexuelles et/ou romantiques renvoient aux attirances physiques et/ou émotionnelles qu’un individu ressent envers certaines personnes. Ces orientations « peu[ven]t se décliner en 3 aspects : soit les désirs, les comportements et l’identité » (j’emprunte des passages rédigés par mes collègues Cat et Marion, pour consulter leurs réponses respectives, tu peux cliquer ici et ). « Les désirs, ce sont nos attirances et envers qui elles se déclarent (est-ce qu’on est plutôt attiré par tel ou tel type de corps, tel ou tel type de personne, qui on aurait envie d’embrasser, etc.). Les comportements, ce sont les actions que l’on pose réellement, à l’inverse des désirs qui renvoient à l’imaginaire (ex. : avoir embrassé notre amie, avoir eu une relation sexuelle avec un homme, avoir regardé les fesses d’une personne dans la rue). Finalement, l’identité, c’est l’appropriation et le choix de mots pour se décrire » (bisexuel.le, asexuel.le, lesbienne, hétérosexuel.le, homosexuel.le, pansexuel.le, biromantique, aromantique, homoromantique, etc.). L’identité est « propre à chaque personne » et relève de « sa façon de se percevoir et [de] son sentiment d’appartenance à une orientation sexuelle plutôt qu’une autre ».  
 
Tu te demandes quelles questions te poser quand on a des doutes sur son orientation romantique et/ou sexuelle. Quand tu réfléchis à tes désirs, à tes comportements et aux manières de t’identifier, qu’est-ce qui te vient en tête? Est-ce que l’un de ces trois aspects te semble plus important que les autres? Est-ce que certaines des questions ci-dessous résonnent particulièrement chez toi? 

  • Quelles sont les personnes que tu désires? Qui retient ton regard ou ton attention? Avec qui souhaites-tu avoir une connexion émotionnelle intime? Avec qui te sens-tu bien? Face à qui te sens-tu excitée, apaisée ou heureuse? 
  • Avec qui as-tu eu des contacts agréables? Quelles expériences t’ont plu? Quel(s) type(s) de comportements as-tu envie d’explorer ou de vivre à nouveau?
  • Avec quel vocabulaire/étiquette te sens-tu le plus à l’aise? Est-ce que c’est important pour toi de trouver des mots précis pour décrire ce que tu vis?

 
L’orientation sexuelle et/ou romantique est un concept fluide, dont on peut découvrir de nouvelles nuances tout au long de notre vie. Aucune orientation n’est meilleure que les autres. Le seul critère pour être bisexuel.le, c’est d’estimer que cette orientation nous correspond. Si tu te retrouves dans ce terme, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, c’est valide aussi. Il n’y a aucune obligation ni presse à adopter un certain vocabulaire ou une certaine identité. 
 
Parfois on peut avoir l’impression que de grandes catégories rigides existent déjà et qu’il faut absolument se « caser » dans ces catégories. Ça peut être très stressant et inconfortable, surtout quand on n’est pas certain.e d’avoir trouvé des catégories qui nous ressemblent, qui sont en cohérence avec ce que l’on vit et qui on pense être. C’est légitime d’avoir des doutes, d’avoir besoin de temps pour apprivoiser certains termes, certaines réalités. Et c’est tout à fait correct de changer d’étiquette(s) si tu réalises à un moment donné qu’il y a des termes qui te correspondent mieux que ou d’autres ne font plus l’affaire. Nous sommes toujours en train d’évoluer, notre langage et notre vision du monde aussi, c’est donc normal que nos étiquettes, nos catégories mentales et sociales, les mots qu’on utilise (etc.) se nuancent aussi. 
 
Au final, à mes yeux, les étiquettes que tu choisis sont des outils qui te permettent de te nommer, de te concevoir, de te sentir valide, de te représenter, de sentir que tu existes dans un groupe légitime et que tu n’es pas seule. Certaines personnes accordent une très grande importance aux étiquettes qu’elles adoptent ou rejettent. C’est tout à fait valable. Pour d’autres personnes, il s’agit d’enjeux secondaires. Elles ne tiennent pas à se définir précisément selon ces termes. C’est tout à fait correct aussi. Le plus important, c’est de partir de toi; d’être à l’écoute de ce que tu ressens, de ce que tu penses, de ce qui t’aide à te sentir épanouie.
  
 

  • b) Que me conseillez-vous pour mon travail?

 
 
Avant tout, je te suggère de prendre le temps de t’écouter. Tu ne dois à personne de faire un coming-out. Si tu crois que la meilleure chose à faire est de t’ouvrir à tes collègues sur le sujet, vas-y. Si tu penses qu’il est préférable de ne rien dire pour le moment, ne te précipite pas. Si tu as envie d’en parler à certaines personnes, mais pas à d’autres, c’est absolument acceptable aussi. Si tu souhaites avoir une longue discussion intime, cœur à cœur, avec les gens de ton travail à propos de ton orientation, choisis un moment et un lieu propices et prends le temps d’avoir cette conversation. Si, au contraire, tu préfères mentionner au passage que tu as une amoureuse avant de parler rapidement d’un autre sujet, tu peux le faire également. Ces potentiels échanges peuvent se faire face à face, par écrit, au téléphone, par textos… selon tes préférences. Ton histoire t’appartient, c’est toi qui es en contrôle. Tu peux choisir les modalités qui te conviennent le mieux. Qu’est-ce qui te correspond le plus? Avec quoi es-tu le plus à l’aise, avec qui es-tu le plus à l’aise? Que ressens-tu le besoin de partager ou de garder pour toi? 
 
Tu mentionnes qu’à « [t]on boulot [tu] fais attention à ce que [tu] dis concernant [t]a relation car dans la société actuelle il n’est pas toujours facile d’être “accepté” sachant que [tu] travaille[s] avec des enfants ». C’est vrai qu’il y a encore malheureusement beaucoup de préjugés à propos des personnes qui ne correspondent pas au traditionnel modèle hétéro et cisgenre. Ces préjugés sont généralement alimentés par de la méconnaissance, des raccourcis de pensée ou une surgénéralisation de cas isolés. Ils ne te définissent pas. Tu le sais déjà, mais ça me semble important de le rappeler : il n’y a absolument aucun lien entre le(s) genre(s) de celleux qui peuvent te plaire et ta capacité à bien faire ton travail, ton aptitude à entretenir des relations humaines harmonieuses, la sincérité de tes sentiments, ton désir de t’investir dans divers projets et de respecter les ententes que tu prends, etc. 
 
Je te laisse au passage quelques petites pistes de réflexion, si jamais tu optes pour t’ouvrir dans ton milieu professionnel, mais que tu appréhendes beaucoup la réaction de tes interlocuteur.rices. 

  • Est-ce que c’est important pour toi de pouvoir parler de ta vie amoureuse ou de tes relations? 
  • Qu’est-ce que tu as envie de partager avec tel ou telle collègue? Qu’est-ce tu es à l’aise de partager? 
  • Y a-t-il des collègues de qui tu te sens plus proche? Voudrais-tu leur parler d’abord?
  • Ressens-tu le besoin de t’informer sur tes droits au travail? 

Bref rappel : la Belgique fait partie des pays qui ont adopté des lois pour lutter contre la discrimination et défendre l’égalité des chances. Pour en savoir plus, je te propose d’aller jeter un coup d’œil au site web d’Unia, en particulier à la section concernant la discrimination basée sur l’orientation sexuelle ainsi qu’à celle portant sur la discrimination au travail.   

  • Es-tu à l’aise de répondre à d’éventuelles questions de ton entourage? Es-tu à l’aise de nommer tes limites? Quelles sont ces limites? Souhaiterais-tu avoir quelques ressources informatives sous la main, vers lesquelles tu pourrais rediriger les gens au besoin? 

Voici une petite brochure [http://aglebus.association.usherbrooke.ca/wp-content/uploads/2014/05/2013-2014-Bisexualit%C3%A9-D%C3%A9passer-la-pens%C3%A9e-binaire.pdf], trois glossaires [https://cestcommeca.net/lgbt-def/] [https://interligne.co/wp-content/uploads/2014/04/Definitions-diversite-sexuelle-et-de-genre.pdf] [https://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/Glossaire-2017-08-14-corr.pdf] et dossier web [http://sexplora.exploratv.ca/magazines/bisexualite/], au cas où. 

  • Souhaiterais-tu essayer de tâter le terrain auprès de tes collègues en mentionnant, par exemple, une célébrité (Angèle, Bella Thorne, Sia, Lilly Singh, Aubrey Plaza, Evan Rachel Wood, Megan Fox, Christine and the Queens, Lady Gaga, etc.) ou un personnage de série (Anna [websérie belge La théorie du Y], Rosa Diaz [Brooklyn Nine-Nine], Oberyn Martell [Game of Thrones], Emily Fields et Maya St. Germain [Pretty Little Liars], etc.) qui a fait un coming-out ou qui a été en relation avec quelqu’un du même genre? Cela te permettrait de sonder les réactions des gens à qui tu t’adresses avant de décider si tu souhaites leur communiquer des informations davantage personnelles. 
  • Penses-tu que ce serait judicieux de prévoir des conditions réconfortantes pour l’après-discussion (une rencontre avec des gens que tu aimes, tes activités préférées, du temps pour te reposer, etc.)?

 
Si tu as envie de consulter d’autres réponses d’AlterHéros concernant le coming-out ainsi que la bisexualité, c’est ici,  ou encore par là ou bien en cliquant ici. Ces sections du site sont très fournies. Pour te faciliter la lecture, j’ai ciblé quelques messages qui me semblent plus directement liés à la situation que tu nous décris. 

Tu parles d’un éventuel coming-out dans ton milieu professionnel plutôt que familial, mais tu verras, mes collègues ont rédigé des réponses contenant plusieurs pistes qui demeurent valables quand on les transpose dans un contexte de travail.
 
2) Je souhaiterais rencontrer des personnes avec qui je pourrais parler librement d’enjeux trans. Comment est-ce possible?
 
À ce sujet, j’aimerais d’abord saluer ton souci de trouver un espace et un moment appropriés ainsi que des interlocuteur.rice.s qui sont disposé.e.s à échanger à propos de réalités trans avec toi. Je te remercie de ta bienveillance. Comme tu le sais, ce n’est pas parce qu’une personne est trans (ou qu’on suppose qu’elle est trans) qu’elle a le temps, l’énergie et/ou l’envie d’en discuter avec nous.  
 
Alors… Plusieurs options s’offrent à toi pour tenir ces conversations. Tu peux faire une liste de tes questions/sujets de réflexion et faire parvenir le tout à l’équipe d’AlterHéros. Ici, il y aura assurément des personnes prêtes à échanger avec toi. 
 
Si tu préfères communiquer avec des organismes qui sont un peu plus près de chez toi, tu peux contacter, entre autres, Alter Visio [info@alter-visio.be] ou Genres Pluriels [contact@genrespluriels.be]. Genres Pluriels a d’ailleurs mis en ligne cette brochure, qui porte spécifiquement sur des enjeux trans. Elle fait près d’une centaine de pages, le sommaire pourra t’aider à cibler les sections qui t’intéressent le plus. Les pages 7 à 20 semblent appropriées pour un survol initial. L’association a aussi produit ce court – mais dense – document abordant cette thématique. 
 
Voilà pour le moment. J’espère que cette (longue) réponse te sera utile. Tu peux toujours nous réécrire pour partager tes réflexions, poser d’autres questions ou nous donner des nouvelles, d’accord? 😊
Marianne, bénévole à l’intervention pour AlterHéros

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