#Australie
#coming0out
#Famille
#garçon
#monde
#nature
#peur
#université
#vie
#voyage
3 mars 2008

Témoignage - Enfin, mon coming-out à 28 ans...

Cher papa, chère maman et mes merveilleuses sœurs…

AlterHéros

À la minute où vous ouvrirez cette lettre, je serai en Australie, à Sydney, et tout un monde à découvrir sera à ma portée. Je serai à la fois nerveux, mais surtout heureux de vivre ce voyage où plein de découvertes s’annoncent. Aujourd’hui est aussi un grand jour car j’ai maintenant 28 ans et mon année chanceuse est enfin arrivée! Quand j’étais petit et que je m’imaginais à cet âge là, je me disais que j’allais avoir des enfants, une maison… Finalement, c’est à la découverte du monde que j’ai décidé de partir ! Je tenais à vous remerciez sincèrement pour l’aide que vous m’avez donnée pour réaliser ce voyage. Sans vous, je ne serais pas ici… Mille MERCI et je vous AIME très fort !!! Et à vous, Judith, Gabrielle et Marie, merci pour votre présence et votre compréhension sans borne. Je vous aime aussi très fort…

Comme je viens de vous le dire, ma 28e année débute et c’est l’année du renouveau dans ma vie. En fait, je veux qu’il en soit ainsi et je vais prendre les moyens pour que ça arrive. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Peut-être vous souvenez vous de moi comme étant un petit garçon souriant qui aimait la nature, les plantes et qui était très, très sensible. Je croyais que tout le monde était sensible comme moi et innocemment, j’ai vite découvert la réalité de la nature humaine. La différence fait peur et les gens différents sont souvent rejetés. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours su que j’étais différent, que je n’allais pas vivre une vie comme tout le monde… Déjà à l’école primaire, je n’avais pas beaucoup d’amis et j’aimais mieux jouer avec les filles qu’avec les garçons. Pourtant, je me forçais pour être comme les autres, je voulais faire des sports comme les autres gars de l’école, mais au fond de moi-même, je savais que je n’étais pas moi-même et que je n’aimais pas faire semblant d’aimer ça. C’est à cette période que mes épisodes de crise de panique ont commencé la nuit. J’ai longtemps essayé de comprendre ce qui m’avait causé cette peur, cette angoisse d’avoir à dormir tout seul dans le noir. Aujourd’hui, je crois que je comprends. J’avais peur de moi-même, je savais qu’un jour j’aurais à affronter cette partie de moi-même que déjà là, je ne voulais pas la voir. Je crois que je savais déjà que j’étais homosexuel.

Je sais que ce mot est probablement très difficile à entendre pour vous, pour la première fois, et qu’en ce moment, vous êtes probablement en train de pleurer (comme moi en ce moment) ou que vous êtes en colère ou que vous ne comprenez pas ou que vous vous dites enfin il nous l’annonce… Je vous comprends d’être confus, imaginez ce que j’ai eu à endurer moi-même pour en venir à m’accepter comme je suis. Cela aura prit 28 ans avant que j’en vienne à être en harmonie, en partie du moins, avec moi-même et d’avoir le courage de vous annoncer cette nouvelle. Durant mon adolescence, ça a été très difficile d’avoir à vivre avec ça. Au secondaire, c’était pas rare qu’un gars me traite de tapette ou d’hostie de gai, bref l’histoire typique… Je souffrais en silence car je ne savais pas à qui en parler, j’avais peur d’en parler. Je ne voulais surtout pas en parler à vous car je me disais que vous ne comprendriez pas et que vous ne m’aimeriez plus. Je ne voulais surtout pas vous décevoir… Ainsi, j’ai porté ma peine en silence tout seul, tellement tout seul… Avec le recul, je me rends compte à quel point ça été une période difficile de ma vie et combien je me sentais isolé et différent de tous. Pourtant, j’étais loin d’être le seul homosexuel du monde. J’ai pensé au suicide, je n’avais plus aucune estime de moi-même. Je crois que j’étais dépressif. Si je vous dis tout ça, c’est simplement pour que vous compreniez mieux mon cheminement et ce que ça implique d’être un jeune adolescent gai. Un jour quelqu’un m’a dit que l’homosexualité volait l’adolescence, je suis d’accord avec lui. C’est vraiment très difficile et plusieurs jeunes s’enlèvent la vie, car la pression sociale est souvent très lourde à porter. Je trouve ça tellement triste que certains choisissent ce chemin. Je ne veux pas que vous culpabilisiez de ne vous être rendu compte de rien, c’est le passé et on ne peut rien y changer, mais pour moi, c’est important que vous sachiez enfin tout ça. Souvent on n’exprime pas ses sentiments chez-nous, on a pourtant tout à gagner de le faire…

Au cégep, les choses n’ont pas vraiment été plus faciles. Je faisais semblant que tout allais bien, mais au fond de moi, je souffrais de ne pas être moi-même et d’avoir toujours l’impression d’être faux aux yeux de tous. J’ai donc continué à faire semblant et je me suis donné comme un forcené dans mes études pour oublier ce qui n’allait pas dans ma vie personnelle. Bref, je faisais tout pour me fuir, tout pour ne pas affronter la réalité. À l’université, bien que j’avais des amis et que ça allait mieux, j’ai adopté un peu la même attitude et, vous le savez, mes études étaient tellement exigeantes que je n’avais même pas la force de penser à tout ça. Je regrette parfois de ne pas vous avoir annoncé tout ça à l’adolescence. Ça aurait été difficile sur le coup, mais cela m’aurait permis de cheminer plus vite vers autre chose. J’ai maintenant 28 ans et je n’ai jamais encore connu l’amour. Comment aimer quelqu’un alors que soi-même on ne s’aime pas ? Je me sens maintenant prêt à rencontrer l’amour.

Aujourd’hui, je sais que toute cette situation ne peut plus continuer. Il n’en tient qu’à moi de changer l’ordre des choses. Je gâcherais vraiment ma vie de ne pas avoir le courage de vous révéler qui je suis réellement. Ce n’est vraiment pas le genre de vie que j’ai envie de vivre. Je crois que vous avez le droit de savoir qui est vraiment votre garçon, votre frère et je vous fais assez confiance pour vous le révéler. Il y a beaucoup d’homosexuels qui sont épanouis et qui vivent une vie bien remplie. Ceux se niant toute leur vie sont souvent malheureux ou mènent dans l’ombre une double identité. Souvent quand on pense à un homosexuel, la première chose qui nous vient en tête est un gars efféminé qui s’habille en femme ou à une lesbienne qui a l’air d’un garçon. Oui, il y a ce genre de personne (qui sont bien plus encore que la simple image réductrice qu’on a d’eux), mais il y a aussi beaucoup de gens moins frappant dont souvent on ne soupçonne même pas qu’ils soient homosexuels. L’homosexualité n’est pas un choix, au même titre qu’on est droitier ou gaucher, qu’on a les yeux bruns ou verts, qu’on est noir ou blanc ou jaune… Il fût une époque où j’aurais tout donné pour être « normal » pour changer ce « défaut » de fabrication. Aujourd’hui je sais que je ne peux changer cette facette de moi et que je dois vivre avec. Je veux juste que vous réalisiez que, oui, je suis homosexuel, mais que je suis encore votre fils et votre frère que vous connaissez depuis toujours… Je vous aime tant, vraiment merci pour tout et peu importe ce qui arrivera, vous aurez toujours une place dans mon cœur… Je sais que cette nouvelle vous demandera du temps… Ma vie prend un nouveau départ et enfin je peux être moi-même et m’épanouir un peu plus.

Votre fils, votre frère qui vous aime…
Jasmin XX

Similaire